mercredi 27 mai 2015

50 ans de facilitation œcuménique

L'assistance venue célébrer les 50 ans de l'IEO
Mercredi 22 avril, l'institut œcuménique de Strasbourg fêtait ses 50 ans.

50 ans au service des dialogues œcuméniques en lien avec la Fédération luthérienne mondiale (FLM). 50 ans d'un travail de fourmi et de titan. De fourmi car le travail préparatoire aux différents dialogues bilatéraux de la FLM est passé par lui, ainsi qu'un soutien à des dialogues multilatéraux ; tout un travail peu connu et peu valorisé en dehors des cercles d'initiés.
De titan quand on voit la tache accomplie, les résultats obtenus, et la réception qui s'est faite grâce à ce travail de fond de l'IEO.

Celui-ci possède une expertise reconnue et qui fait référence. Il est également à l'origine d'une méthodologie du dialogue œcuménique aujourd'hui très utilisée et de quelques concepts devenus clés, comme par exemple celui de "diversité réconciliée", si important au sein de la Communion des Églises protestantes en Europe (CEPE, connue parfois sous son acronyme allemand de GEKE).

L'histoire de l'institut a été évoquée, célébrée, son travail passé et présent valorisé et loué. Martin Junge, secrétaire général de la FLM, rappelait également que cet institut s'inscrit dans la démarche luthérienne d'ancrer le dialogue œcuménique dans une prise en compte des identités confessionnelles (de façon bien plus forte que d'autres, voir mon billet sur le livre d'Odair Pedroso Mateus en aout dernier). Cette approche permet aujourd'hui à l'institut de travailler très régulièrement avec des théologiens pentecôtistes, catholiques, évangéliques, qui seraient moins à l'aise avec une recherche d'unité visible (en tout cas d'une unité visible qui passerait par une fusion des identités confessionnelles).

Jane Stranz (FPF) et Larry Miller (FCM) lors du repas
Les pistes d'avenir passent par le renforcement de la participation des Églises du Sud aux dialogues bi- et multi-latéraux et par l'approfondissement théologique dans un monde marqué par le relativisme, pour ancrer mieux nos convictions (et pouvoir plus facilement les reformuler avec des mots d'aujourd'hui, mais ça, c'est moi qui le rajoute !). Un des axes qu'André Birmelé a valorisé toute sa carrière et qui a été souligné dans les interventions est l'importance de la communion ecclésiale, à la fois comme concept théologique mais aussi comme appartenance à la communauté, qui est une dimension essentielle de la foi. 

Des attentes ont aussi été exprimées, en particulier par un évêque Sud-africain : attentes de renforcement des capacités pour que les Églises du Sud puissent mener leurs propres dialogues bilatéraux régionaux, attente d'intégrer au travail œcuménique les questions d'éthique politique, si importantes aux vues de la situation dans certains pays, attente d'approfondir la connaissance de nos propres dénominations pour renforcer la capacité au dialogue.

Temple St Thomas où a été célébré le culte d'action de grâces
Je me pose tout de même une question concernant l'IEO : son directeur, Theo Dieter, affirmait que son objectif actuel était de ne pas circonscrire l’œcuménisme à une affaire de spécialistes ni le limiter aux Églises du Nord, mais de l'ouvrir largement. Mais pourquoi choisir alors de garder, dans les formations qu'ils propose, le format académique et la pédagogie frontale (ex cathedra) d'exposé + discussion qui s'adresse forcément à une élite capable de suivre des "cours" de haut vol et de se les approprier assez rapidement pour pouvoir poser des questions pertinentes à la suite de ces cours, et cela 2 heures durant, 3 ou 4 fois par jour ? Il y a aujourd'hui tellement d'autres façons de faire de l’œcuménisme, et de façon moins formelle...

Oserais-je dire que cette méthode de formation manque de pédagogies actives ? Il est sûr que l'institut s'adresserait alors à un autre public. Mais serait-ce pertinent de s'engager dans cette voie alors qu'il est reconnu et estimé dans la voie qu'il suit actuellement ? Les 50 prochaines années nous le diront...

Claire Sixt Gateuille

mercredi 20 mai 2015

De quoi êtes-vous libéré(e) ?

(c) Carolina Huth, tirée du site youngreformers.lutheranworld.org
Le "réseau des jeunes réformateurs" est une initiative lancée par la Fédération luthérienne mondiale (FLM) en vue de 2017. Le réseau lui-même regroupe deux jeunes de chaque Église participante pour animer et faire vivre l'initiative, mais celle-ci a pour visée de toucher le plus de jeunes luthériens possible dans le monde.

L'idée est d'aider les jeunes à mettre en mots leur identité luthérienne, et en particulier en quoi la justification par la foi leur parle, de quoi elle les libère et quelle est leur vocation de chrétien dans le monde aujourd'hui. le thème de l'initiative est "Freed by God’s Love to Change the World", "libérés par Dieu pour changer le monde".

Le réseau des jeunes réformateurs a son site internet, malheureusement uniquement en anglais, sur lequel les jeunes partagent sur le mode "libérés de quoi ?" "libérés pour quoi ?", mais aussi des présentations plus historiques de jeunes ayant "changé le monde" grâce à la force de conviction que leur donnait leur foi, tirées des archives de la FLM. Un média social a aussi été mis en place pour les participants.

Certains témoignages du site sont très inspirants. Tous éclairent leur contexte et sont riches de leur façon de mettre en relief à quel point l'évangile s'incarne dans les cultures et les contextes. Et la forme de témoignages et de récits de vie choisie pour ce site le rend vraiment accessible à tous, et pas seulement aux théologiens académiques. Si vous lisez l'anglais, n'hésitez pas à y faire un petit tour...

La petite vidéo présentant ce qu'est le réseau des jeunes réformateurs (cliquer ici pour la voir) est même sous-titrée en français !

Claire Sixt Gateuille

jeudi 14 mai 2015

Repas avec des Coréens

Aujourd'hui, avant le début du synode, nous avons partagé un repas avec le Rev. Dr Jeong, modérateur de l'Eglise presbytérienne de Corée (PCK) et le pasteur Séong, pasteur de l'Eglise coréenne basée à Paris et liée à la PCK. 

(c) Jan-Albert Roetman
 Pendant le traditionnel échange de cadeaux, les présidents se sont aperçus qu'ils portaient chacun une cravate offerte par l'Eglise de l'autre... Qui a dit que le protocole était forcément sérieux et formaliste ?


Claire Sixt Gateuille

mercredi 13 mai 2015

Dieu se révèle à travers l'autre

Petite prière tirée du n°66 de la revue du World Mission Council, le service missionnaire de l’Église (presbytérienne) d’Écosse : 

Dieu d'amour, 
Lorsque nous répondons à ton appel à servir, notre foi grandit.
Fais que nous ne nous lassions jamais d'apprendre 
de nouvelles choses à propos d'autres pays, 
d'autres peuples, d'autres cultures.

Que nous soyons toujours fascinés par toi, 
par ce que tu nous révèles de toi-même à travers eux.
Merci parce que grâce à eux, 
nous approfondissons notre propre condition de disciple
et notre engagement envers Toi.
Amen

(Traduction de Claire Sixt Gateuille)

jeudi 7 mai 2015

Intercession pour le 8 mai


(c) mémorial de Caen

Le présidium de la Communion des Eglises protestantes en Europe (CEPE) nous propose cette prière d'intercession à l'occasion du 70ème anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale.




La guerre laisse des blessures – les vainqueurs eux-mêmes s’avouent perdants.
Et ces blessures continuent à faire mal :
les morts,
les enfants privés de leur enfance,
les pays qui, par la suite, ont dû souffrir sous une dictature.
Le fait même qu’après cette guerre une vie était encore possible,
est un cadeau de ta part, ô Dieu.
Tu nous as fait don du pardon,
Don de pardon impossible à faire à nous-mêmes ni les uns aux autres.
Tu nous as fait le cadeau d’un commencement nouveau,
alors que nous avions tout détruit.

Il y a, hélas, encore et toujours des guerres,
comme c’est le cas maintenant.
Nous intercédons auprès de toi pour tous ceux et toutes celles
qui en subissent les conséquences directes:
pour les réfugiés et les personnes chassées de leur pays,
pour les victimes de l’arbitraire, de la violence et de la haine,
pour les soldats, hommes et femmes, dont la vie est quotidiennement menacée,
et pour les familles restées à l’arrière-pays.
Protège-les et accompagne-les tous.
Nous te prions particulièrement pour les politiciens.
Leurs décisions détermineront l’avenir.
Ô Dieu, nous t’en prions:
Accorde-nous de vivre dans la paix et de retrouver un avenir sûr.

lundi 4 mai 2015

Interreligieux, éthique et communication

Dernier jour de la rencontre des "ecumenical officers"
N. Klukach animait la rencontre (c) André Lavergne
Vendredi était le dernier jour de la rencontre des ecumenical officers. Les sujets abordés n'étaient pas les moindres (last but not least!) : interreligieux, questions éthiques et communication.

Après la décennie pour surmonter la violence (2000-2010), le Conseil œcuménique des Églises (COE) a décidé de continuer à travailler la question en l'abordant par le prisme de la place de la religion dans les violences. En effet, la volonté de préserver la "pureté de la foi" entraine souvent une hostilité envers ceux qui ne la partagent pas, voire une démonisation des personnes ayant des croyances différentes. Intrinsèquement, les religions ont toujours une dimension fondamentalement injuste (mise à part d'une catégorie de personnes "élues" ou de médiateurs entre Dieu et les hommes, exclusion des "non-sauvés", justification d'un système de castes, valorisation du sacrifice, élitisme, etc. pour ne citer que quelques exemples). Il s'agit d'en avoir conscience pour travailler cette dimension, à la fois en interne et dans le dialogue avec les autres partenaires.
De plus, il existe des nationalismes religieux qui font des minorités religieuses des citoyens de seconde zone. La religion offre en effet dans ce cas les métaphores, mythes et symboles qui construisent la "représentation iconique" de la nation, l'image qu'elle se donne d'elle-même.

Peniel Rajkumar (c) André Lavergne
Un gros travail est donc fait par le COE d'analyse de ces processus, à la fois au niveau des sciences humaines et de la théologie, et de création d'outils pour faciliter le dialogue (voir par exemple le "guide pour le dialogue et les relations avec des personnes d'autres religions", en anglais, dans le numéro 40 (2002) de la revue en ligne Current Dialogue, malheureusement disponible seulement en anglais). Peniel Rajkumar, qui intervenait dans cette cession, nous a rappelé que c'est l'incarnation, "Dieu s'est fait chair", qui est la justification première du dialogue interreligieux ; c'est aussi un très bon outil pour approfondir les racines de notre propre foi.

Les politiques s'intéressent souvent au dialogue interreligieux quand il y a urgence, quand les tensions sont déjà exacerbées. Or le dialogue interreligieux n'est pas un "service d'urgences" pour traiter les crises aiguës, c'est plutôt un un "programme de santé publique" où la prévention joue un très grand rôle. L'éducation est centrale pour construire une culture de résistance à la violence.

Lors de la séance sur l'inter-religieux, il a été particulièrement intéressant pour moi d'être assise entre un presbytérien du Ghana et un baptiste néozélandais ; cela a mis en évidence la façon dont le contexte et l'expérience de vie de chacun influe sur son approche de l'inter-religieux.

Dagmar Heller, de la commission Foi et Constitution, est ensuite venue nous présenter un document "Moral Discernement", sur les processus qu'utilisent les Églises lorsqu'elles veulent se positionner sur des questions éthiques ou morales. Cette étude est venue du fait que les question éthiques divisaient de plus en plus les Églises, plus encore que les questions théologiques. Aussi ce travail sur les processus de prise de décision dans les Églises est un premier pas pour amorcer le dialogue sur ces questions. La présentations du document et la discussion autour de ses enjeux m'ont donnée envie de le lire.

(c) André Lavergne
Enfin, nous avons rencontré l'équipe de communication du COE, et parlé en particulier de la communication autour du pèlerinage de justice et de paix. Un site et un blog ont été lancés jeudi 30 avril (lors de notre rencontre), comme plateforme de partage de ce qui se fait dans les Églises sur ce thème (pour le premier) et ce que fait le COE dans cette perspective (pour le second).

Espérons que ces discussions et ces outils nous aideront à entrer dans ce pèlerinage de justice et de paix et, en chemin, à développer encore plus une "spiritualité en marche".

 Claire Sixt Gateuille

PS : Merci à André Lavergne, de l’Église luthérienne du Canada, pour les superbes photos qu'il a prises pendant la rencontre et que j'ai utilisées sur ce blog.

dimanche 3 mai 2015

Elargir, approfondir et survoler

La Salle Visser't Hooft du centre œcuménique, Genève
La séance de jeudi de la rencontre des ecumenicals officers a eu lieu au Centre oecuménique, à Genève.

Le matin, nous y avons rencontré Larry Miller qui nous a présenté l’histoire, la raison d’être et l’actualité du Forum chrétien mondial (FCM). Oscar Enrique Corvalan-Vasquez, un membre de notre groupe  représentant l’Église pentecôtiste du Chili, nous a également partagé ce qu’avait apporté le FCM en Amérique du Sud et les coopérations, y compris entre pentecôtistes, qu’il a impulsé.

Puis nous avons parlé avec Hielke Wolters de la complémentarité entre le FCM, dont le but est de rassembler les chrétiens le plus largement possible, de façon non-contraignante et souple, et le COE, dont le but est l’approfondissement de l’unité des chrétiens et un témoignage commun toujours plus important.

A la question « Quels sont pour vous les défis du christianisme pour les deux prochaines décennies ? », Larry Miller a répondu : 
1. Les persécutions et les violences entre communautés religieuses, 
2. La mission et l’évangélisation.

Anne Burghardt, de la FLM (c) André Lavergne
Pour finir la matinée, Anne Burghardt, de la Fédération luthérienne mondiale (FLM), est venue nous présenter les préparatifs de 2017. Parmi les initiatives, un « réseau des jeunes réformateurs », avec un site web très vivant (trouver le lien), auquel les jeunes luthériens de notre Église pourraient eux aussi contribuer. Et Susanne Erlecke, de l’EKD, nous a présenté les préparatifs du Kirchentag, de « tour des cités de la Réforme » et des manifestations à Wittenberg prévues pour 2017 autour de ce même thème.

L’après-midi a été l’occasion de découvrir par petits groupes d’autres programmes du COE. Chaque responsable de programme avait 20 mn pour nous présenter ce qu’il faisait. Nous avons donc découvert ce que le COE fait (ou valorise ce que les autres font, en tant que plateforme) en matière de soutien à la formation en double cursus : théologie et développement durable (financier et écologique) pour les Églises du Sud, en matière de réseau œcuménique pour l’eau, en matière de Droits de l’enfant en lien avec l’Unicef, et en matière de santé, en lien avec l’organisation mondiale de la santé (OMS).

La journée de travail s’est achevée par une rencontre avec l’équipe chargée de récolter des fonds et les contributions des Églises au COE (les besoins d’argent les plus pressants concernent les frais du secrétariat général, de Foi et constitution et les bourses pour les étudiants à Bossey), et un temps de prière mené par les orthodoxes.

Claire Sixt Gateuille

samedi 2 mai 2015

Mêler mes pas au pèlerinage pour la justice et la paix ?

mêler mon histoire à la narration collective du mouvement œcuménique ?

Aménagement de la Chapelle (c) CSG
La journée de mercredi a été bien remplie ! Nous avons commencé par un temps de prière. Et un temps de prière dans le cadre du COE, c’est toujours un temps empreint de recueillement, mais aussi de beauté, d’implication du corps, de musique (magnifique) et de sens.

Puis les responsables des relations internationales et des relations œcuméniques (en anglais ecumenical officers) ont parlé avec différents membres du staff, dont le secrétaire général, du travail du Conseil œcuménique des Églises (COE) en particulier d’unité, de justice et de paix, de jeunesse, de diaconie et de témoignage public, ainsi que de formation œcuménique… Ouf !

Je vous épargnerai ici le résumé exhaustif de ce qui a été dit. J’ai retenu quelques paroles ou idées fortes au milieu de ces échanges, je vous les livre en vrac : 
- L’appel du représentant de l’Eglise arménienne au Liban : « Les Eglises du Moyen-Orient ont besoin de signes d’espoir de la part des autres Eglises ». 
- Le pèlerinage de justice et de paix sera-t-il un parapluie qui recouvre ce que les Eglises font déjà ? Une inspiration à faire autrement ? Un miroir qui nous renvoie notre spiritualité et nos engagements vis-à-vis de la justice et la paix ? 
- Le COE doit faire moins de choses, pour les faire mieux ; c’est le mandat qui lui a été donné à Busan. Mais il existe beaucoup de ressources (documents, animations, personnes ressources, etc.) dans les Eglises, comment les partager et les faire mieux connaitre pour qu’elles bénéficient aux autres Eglises ?

Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE
Au-delà des présentations de ce qui se fait et de la logique dans laquelle le COE travaille, le but de tous ces temps était de permettre l’interaction entre les personnes responsables des différents programmes et nous. Ce type de rencontre sert avant tout à leur faire remonter nos attentes et nos satisfactions vis-à-vis du COE et nos problématiques ou les questions émergentes dans nos différents contextes. Cela permet aussi de faire émerger des préoccupations communes et des envies de collaboration entre responsables d’Églises. C’est pour cela que les temps informels sont aussi importants que les temps de réunion.

Nous avons aussi beaucoup parlé d’histoires et de témoignages personnels. Un témoignage est toujours personnel, il se dit en « Je ». Commencer par raconter son histoire permet aux autres de comprendre de quel contexte nous venons, des expériences de vie qui façonnent notre compréhension du monde et nos préoccupations. Mais entendre les histoires, les récits de vie des autres nous permet aussi de nos identifier à eux, de voir notre propre vie autrement ou d’envisager qu’on puisse porte un autre regard sur elle. C’est une expérience très importante, en particulier dans des contextes interculturels et interconfessionnels comme ceux des rencontres du COE ou du Forum chrétien mondial.

Le groupe des EO (c) Albin Hillert pour le COE
Il y a aussi les "narratives", les histoires collectives qui fédèrent le groupe et portent une vision de ce vers quoi le groupe veut tendre (de même que l’histoire collective de la promesse d’un pays où coule le lait et le miel et où le peuple obéit à la volonté de Dieu a porté le peuple hébreu dans l’ancien testament). Elles aident à créer un sentiment d’appartenance, et donnent une perspective, ouvrent un futur commun, qui a du sens. Et ces histoires collectives sont toujours réappropriées par ceux qui les portent : chacun peut lui donner une coloration personnelle, y rajouter une anecdote, une interprétation personnelle… chacun la racontera à sa manière, mais le cadre narratif sera partagé… une belle façon d’apprendre à articuler le « je » et le « nous », dans nos Églises et dans le mouvement œcuménique en général.

Claire Sixt Gateuille

vendredi 1 mai 2015

Rencontre des « Ecumenical Officers » à Bossey

Rencontre des ecumenical officers, Bossey (c) Natasha Klukash
Ce mardi 28 avril commençait la réunion des ecumenical officers au Château de Bossey, près de Genève (Suisse), organisée par le conseil œcuménique des Églises (COE). Les ecumenicals officers sont les personnes chargées des relations œcuméniques ou des relations internationales, la plupart des Églises confiant ces deux taches à la même personne. Nous étions donc 40 réunis pendant 4 jours à discuter du thème lancé lors de l’assemblée de Busan : le pèlerinage de justice et de paix, et de l’actualité de nos Églises.

La matinée de mardi a commencé par la présentation des uns et des autres et du programme de la session. Martin Robra, du COE, est venu nous présenter comment celui-ci comprenait le thème du pèlerinage de justice et de paix : Dépasser l’engagement à « rester ensemble » pris à Amsterdam en 1948, pour désormais « avancer ensemble ». La justice et la paix sont articulées à l’unité, l’unité étant elle-même un chemin (unity on the way). L’œcuménisme est donc un processus de transformation, répondant au contexte de notre temps. 

Il existe différentes compréhensions de ce qu’est un pèlerinage. Aussi M. Robra s’est-il appuyé sur la présentation qu’en a fait le Père Ioan Sauca (orthodoxe, directeur de l’institut de Bossey) dans la revue Ecumenical Review : 1. Un cheminement ayant une signification spirituelle et des implications théologiques ; 2. Une unité en chemin, que l’on découvre en marchant ensemble, car la justice et la paix sont des dons de Dieu au monde ; 3. L’horizon du pèlerinage est eschatologique. C’est pourquoi le pèlerinage n’est pas « vers » ou « pour », mais « de » justice et de paix. La justice et la paix ne sont pas « à faire » ou « à conquérir », mais à recevoir. De même, l’unité n’est pas le préliminaire du reste, mais un fruit de ce cheminement.

Château de Bossey (c) Prince Devanandan
Il a fini en présentant les 3 dimensions du cheminement : 1. Festive : célébrer les dons de Dieu, 2. Diaconale et spirituelle : visiter les blessures, et se découvrir faible, 3. Transformatrice : transformer les injustices. Son exposé était entrecoupé de temps de discussion. Il est apparu assez rapidement que le mot "Pèlerinage" était connoté pour de nombreuses Églises (en général protestantes). « Journey », « walk » ou « cheminement » sont des termes plus appropriés, qui ne renvoient ni aux Pilgrim fathers qui, étant arrivés au nouveau monde, l'ont conquis, ni aux superstitions attachées à certains pèlerinages, contre lesquelles les Églises protestantes ont lutté.

Ensuite, Hielke Wolters et le Père Sauca ont présenté comment le COE intègre le « pèlerinage de justice et de paix » dans ses programmes de travail. De façon générale, le COE doit lancer un cercle vertueux comprenant 5 étapes se renforçant les unes les autres : 1. Renforcer la communion (cohésion du groupe) 2. Témoigner ensemble (on prend en compte le contexte qu’on traverse) 3. Encourager la spiritualité, la réflexion et la formation 4. Établir des relations de confiance et de compréhension mutuelle 5. Avoir une communication inspirante et innovante (comment les gens se parlent en chemin).

Après avoir présenté les programmes de travail du COE (organisé selon 3 axes : unité, mission et relations œcuméniques ; témoignage public et diaconie ; formation œcuménique), ils ont présenté quelques exemples de comment ils entrent dans ce pèlerinage (par exemple la formation œcuménique s’adapte aux besoins des personnes formées, ayant développé la connaissance des autres religions car la plupart viennent de pays où le christianisme est minoritaire, mais aussi des façons beaucoup plus concrètes d’aborder la spiritualité pour s’adapter à la demande des pratiquants du Sud). L’institut de Bossey est par exemple un laboratoire de ce cheminement, les gens d’horizons très différents apprenant à vivre ensemble, pouvant « bouger » dans leurs pré-compréhensions des autres car ils font de la recherche (ils ne sont pas dans une posture de représentation ou de défense des positions de leur Eglise). Nous avons entendu aussi que la réduction des moyens financiers à disposition du COE est un défi pour remplir toutes les missions qui lui sont confiées.

"Rapporteuse" d'un groupe (c) André Lavergne
Nous avons fini la journée avec une discussion en groupes, autour de la question « comment nos Églises peuvent se saisir de ce pèlerinage de justice et de paix ? » Certaines Églises ont choisi un axe, pour éviter de se disperser (la justice climatique pour l’Église protestante d’Allemagne, ou la réunification de la péninsule pour les Églises de Corée, etc.). D’autres ne se sont pas encore appropriées ce thème, mais pourraient l’utiliser pour donner plus de visibilité et de cohérence à ce qu’elles font déjà. 

Il a été largement partagé, en tout cas par les représentants des Églises européennes et nord-américaines, que nous n’avons pas besoin d’un programme de plus, à ajouter à nos nombreux programmes, ni une « campagne » comme il y en a déjà beaucoup (si l’on voulait, on pourrait avoir un culte à thème tous les dimanches tellement il y a de journées de ceci ou de cela et de sujets d’actualité). Le pèlerinage de justice et de paix est un cadre, il donne une forme à l’appel œcuménique, aide à articuler le travail pour l’unité et le travail de présence au monde (les anciennes dynamiques de Foi et constitution d’un côté, christianisme pratique [Life and Work] de l’autre). Il peut aider les Eglises à valoriser ce qui se fait déjà, donner aux différentes politiques des Eglises pour l’unité, la justice et la paix une cohérence interne.

Le COE peut aussi être une plateforme d’échange de bonnes pratiques, une source d’inspiration des uns par les autres, un lieu de partage (idées, ressources : matériel pédagogique, liturgique, théologique et biblique, procédures, , etc.) et le centre d’un réseau qui permettrait aux Églises agissant sur telle ou telle préoccupation de savoir ce que les autres font, et développer des coopérations entre Eglises. Cela permettrait peut-être aux membres d’Églises de découvrir plus concrètement l’Eglise universelle, non plus seulement comme quelque chose de spirituel, mais aussi comme l’ensemble des chrétiens en chemin, les uns vers les autres et les uns avec les autres, engagés pour mettre en œuvre dans le monde la justice et la paix qu’ils ont déjà reçu de Dieu.

Claire Sixt Gateuille