vendredi 30 janvier 2015

Le culte : entre tradition et innovation

Temple de Poissy (c) Michelle Roy
Une consultation liturgique organisée par la Communion des Eglises protestantes en Europe (CEPE, GEKE en Allemand) a eu lieu du 26 au 28 Novembre 2014 à Hildesheim (Allemagne) sur le thème « Diversité de liturgies, unité de l’Eglise ». Agnès von Kirchbach, qui y représentait, m’a fait à son retour un compte-rendu très riche. Certaines interventions reflètent de façon assez évidente le contexte de leurs auteurs (les attentes religieuses ne s’expriment pas tout à fait de la même façon en France et en Allemagne, par exemple), mais d’autres nous invitent à nous poser de bonnes questions. Je vous livre en vrac ce qui a attiré mon attention (j'ai reformulé à ma manière) :

- Une de ces questions, en lien avec la sécularisation, interroge par exemple : est-il vrai que le culte du dimache matin constitue le centre de la vie de notre Eglise ? En particulier lorsque seulement 10% de nos membres (et même 1 à 3 % dans certaines Eglises) y viennent ?

- Quel langage utiliser au culte ? Certains sont très attachés aux formulations classiques, du XVIe ou du XIXe siècle, mais pour d’autres, il y a un vrai besoin de réinventer le langage liturgique, pour redire la foi et le salut dans des mots d’aujourd’hui, en particulier pour attirer ceux à qui ce langage ne parle plus…

- Aujourd’hui, cela demande trop d’effort à la plupart de nos contemporains d’entrer dans une liturgique qui commence par l’histoire de Dieu avec nous – Dieu est pour eux une possibilité, un doute, pas le point de départ – il  faut donc commencer par thématiser notre histoire avec Dieu, et donc utiliser les mots du quotidien, un langage métaphorique et poétique, de l’ordre du témoignage.

- La télévision s’est rendue compte qu’elle ne pouvait pas produire des émissions qui répondent en même temps à tous les milieux sociologiques. Quid des activités de l’Eglise ?

- Quelles sont les valeurs qui parlent à nos contemporains (en Allemagne) ? La joie de vivre, que la vie ait un sens, et qu’on puisse le déterminer soi-même, l’appartenance à une communauté, prendre soin de soi-même, avoir un cadre affectif sécurisant, la dimension esthétique de la vie.

- La liturgie a des atouts pour parler à nos contemporains, sur la base de ces valeurs :
Pour ce qui est de donner du sens, elle met en tension féconde autodétermination et grâce donnée ; concernant l’expérience existentielle, elle articule joie de vivre et sérieux de la vie ; concernant les relations, elle invite à se situer entre proximité et sécurité d’un côté et distance et mystère de l’autre : concernant les orientations personnelle, invite à se situer entre prendre soin de soi et aimer et/ou servir son prochain.

- Le fait de parler des langues différentes et d’utiliser des liturgies plurielles est enrichissant à condition que nous nous comprenions…

- Nous devons tous demeurer dans « l’auto-évangélisation »… La pluralité des langages peut nous y aider.

Merci Agnès pour ces retours !
Claire Sixt Gateuille

samedi 24 janvier 2015

Du rôle des pasteurs auprès des nouvelles formes d’Eglise


Le site des Fresh expressions propose régulièrement des articles ou des témoignages, dont certains donnent des conseils très pratiques et d’autres présentent ou analysent des expériences. Dernièrement, j’ai lu cet article de Michael Moynagh, sur le rôle des pasteurs « classiques » pour soutenir les nouvelles formes d’Eglise, que j’ai trouvé très inspirant. Je vous le traduis donc (faites-le lire à votre pasteur !). Pour rappeler, les  “pionniers” sont ceux qui lancent de nouvelles formes d’Eglise ; ils peuvent être laïcs ou pasteurs, bénévoles ou payés.

« Reformuler le rôle du Pasteur
Vous vous sentez appelé au ministère pastoral mais pas à lancer de nouvelles formes d’Église ? Dans ce cas, vos qualités de pasteur pourraient bien être exactement ce dont les nouvelles formes d’Église ont besoin.
Vous n’êtes probablement pas la bonne personne pour implanter de nouvelles communautés chrétiennes dans le quotidien d’une paroisse. Tout simplement parce que vous ne partagez pas le quotidien de tous vos paroissiens.

Mais vous pouvez soutenir les membres de votre Église pour qu’ils le fassent eux-mêmes. Vous pouvez leur offrir un espace de réflexion, les encourager, les aider à approfondir ou clarifier leur projet, les rendre vigilants ; et les défendre, en particulier auprès de ceux qui, dans l’Église locale, ne comprennent pas leur démarche.

Les “pionniers” se sentent souvent vulnérables. Tenter quelque chose de nouveau, c’est risquer l’échec, et cela peut rendre anxieux. Avoir “une longueur d’avance”, c’est risquer de se sentir incompris ou peu apprécié. Ce dont ces pionniers ont besoin, c’est d’un(e) pasteur qui les comprenne, les accompagne dans les hauts et les bas et leur offre une oreille attentive.

C’est souvent un cheminement en quête d’identité qui amène quelqu’un à devenir pionnier. L’insatisfaction qu’il ressent vis-à-vis de l’Église existante peut devenir, sous l’action de Dieu, appel et chemin de foi, tel Abraham. Alors qu’il prend de la distance, psychologiquement, avec l’Église à laquelle il est habitué (il réalise qu’ “il est possible d’être l’Église de manière différente”), l’Esprit le fait cheminer vers une nouvelle vision de lui-même.
De simple membre d’une paroisse existante, il évolue jusqu’à se voir comme fondateur d’une nouvelle communauté. Il peut commencer à s’identifier à d’autres personnes qui initient de nouvelles formes d’Eglise. Ce faisant, il s’éloigne de l’Eglise existante.

Paradoxalement, beaucoup d’entre eux aspirent à l’approbation de l’Eglise dont ils se détachent. Ils cherchent à être assurés que ce qu’ils font est convenable et qu’ils ne seront pas rejetés.
C’est là que les “bons” pasteurs interviennent. Ils peuvent utiliser leurs talents pastoraux pour comprendre les hésitations et les tensions que ce parcours en quête d’identité implique et offrir un soutien bien utile. Dit autrement, vous n’avez pas à être un pionnier vous-même. Vous pouvez être le pasteur des pionniers. Votre attention et votre soutien peuvent libérer ceux qui, dans votre paroisse, se sentent appelés à démarrer une nouvelle forme d’Eglise.

Pourriez-vous aller plus loin ? Pourriez-vous vous proposer comme pasteur d’une de ces nouvelles communautés ? Pourriez-vous devenir personne de référence pour ceux qui ont besoin d’un accompagnement pastoral ? Pourriez-vous leur rendre visite de temps en temps pour mieux les connaître et accompagner certains de leurs membres ?
Pour encourager les nouvelles formes d’Eglise (fresh expressions), vous n’avez pas besoin d’avoir des talents d’agent de changement, ni de meneur d’Hommes, ni d’être un pionnier expérimenté. Tout ce dont vous avez besoin, c’est de savoir encourager les autres à se lancer, leur demander avec tact de rendre compte de ce qu’ils font, et les laisser élaborer leurs propres réponses. »

Trouver ici l’article original en anglais : ici

Traduction : Claire Sixt Gateuille

samedi 10 janvier 2015

Nous sommes Charlie

Minute de silence à la FPF (c) Daniel Cassou
Mercredi était déjà pour nous une journée de deuil. Ce jour-là étaient célébrées les obsèques de la femme et de la belle-mère d’un collègue, décédées dans l’incendie du presbytère où ils résidaient.

A cette tristesse s’est ajoutée la sidération en apprenant l’attentat à Charlie Hebdo, drame national qui a plongé la France entière dans le choc et le recueillement. Les français se sont sentis attaqués à travers ce journal satirique, que pourtant beaucoup trouvaient parfois outrageant, souvent limite…

Mon prédécesseur me disait hier à la pause-café que la réaction des gens à cet attentat a été révélatrice de ce qu’est « l’esprit Français », et je suis d'accord avec lui :
Attaquer ainsi Charlie Hebdo, c’est attaquer cette capacité à la dérision qui fait partie de la culture française. Car oui, la dérision est chez la plupart des français une façon d’être, y compris pour ce qui est le plus important ou le plus intime : nos valeurs, notre foi, notre auto-compréhension. Nous pratiquons l’autodérision, aimons l’impertinence, apprécions les critiques (parfois) acides mais justes, même si elles révèlent une attitude irrévérencieuse.
Cette dérision n’a pas pour but de choquer mais de nous rappeler que ce que nous investissons symboliquement n’est pas le tout de notre identité et de nous amener à réfléchir sur ce qui nous paraissait évident. Je pense que cette autodérision trouve une de ses sources chez le philosophe Rousseau qui invitait les citoyens à se détacher de « l’amour-propre ». Quoi de mieux que l’autodérision pour relativiser notre dépendance au regard d’autrui ?

A la faculté de théologie protestante de Paris , une exposition se prépare sur la caricature en lien avec la théologie, "Traits d'Esprit" (elle aura lieu du 04 au 28 mars 2015), avec des œuvres d’artistes divers (PIEM, MIX et REMIX, MOLINA, PLANTU et beaucoup d'autres). Elle était prévue depuis longtemps, elle prend tout son sens aujourd'hui.  Parce qu’un dessin humoristique réussi fait rire, et qu’un bon dessin humoristique fait réfléchir…

Dessin de Piem paru au lendemain de la tuerie
Le visage que la France a présenté mercredi, unie et solidaire dans la détresse, avec ce réflexe des gens de se retrouver sur les places pour être ensemble, pour se serrer les coudes face au drame, même en silence, plutôt que de se ruer dans les discours de haine et de « bouc émissaires » comme on l’entend trop souvent face à la crise, m’a paradoxalement redonné confiance. On nous a fait croire ces derniers temps que la liberté était une « valeur molle », acquise ou récupérée par la communication publicitaire et le capitalisme de marché. Or nous nous sommes aperçus hier qu’on pouvait mourir pour le mot liberté, y compris ici, en France. Et je vois tant de gens autour de moi choisir de dépasser la peur...

De nombreuses Eglises-sœurs et organisations ecclésiales ont publié des communiqués ou nous ont manifesté leur soutien et leur affection. Leur sollicitude m’a touchée et me rappelle à quel point la foi me permet de vivre cette fraternité au-delà des différences culturelles, au-delà même de certaines incompréhensions concernant nos façons de vivre. Bref, tout le contraire de la haine de l’autre manifestée par les extrémistes, de quel bord qu'ils soient.

Claire Sixt Gateuille

jeudi 1 janvier 2015

2015 : Année Climat

La COP 20 à Lima (c) Martin Kopp
2015 sera l'année de Paris Climat 2015 - la COP21 pour les spécialistes - la "conférence des parties sur les changements climatiques" qui réunit sous l'égide de l'ONU les représentants des différents pays pour négocier les mesures à prendre le plus vite possible pour réduire nos émissions de gaz à effet de serres et limiter ainsi les changements climatiques. 

Pour savoir un peu ce qui se passe lors d'une COP, je vous invite à faire un tour sur le Blog qu'a tenu Martin Kopp sur le site du journal Réforme, lors de la COP20 qui s'est tenue à Lima du 1er au 12 décembre 2014. Martin Kopp était à Lima comme représentant de la Fédération luthérienne mondiale. Celle-ci a lancé depuis 1 an un "jeûne pour le Climat", tous les 1er du mois, en solidarité avec ceux qui subissent déjà les conséquences des changements climatiques et pour interpeller les gouvernants. Pour en savoir plus, on peut aller sur le site du Jeûne pour le climat. Pourquoi ne pas commencer aujourd'hui ?

Sans attendre le mois de décembre - Paris Climat 2015 se tiendra du 30 novembre au 11 décembre - la Fédération protestante de France se mobilise par plusieurs biais : 
- réflexion théologique et éthique (voir ci-dessous le livre de Jacques Varet et alii)
- sensibilisation de ses Eglises membres
- participation à la mobilisation au sein de la société civile
- préparation avec les autres Églises de la CECEF d'un temps fort œcuménique.

Pour approfondir :
  • Jacques Varet et alii, les changements climatiques, Olivétan, 2014 (8 €) : texte court (48p.) édité sous l'égide de la Fédération protestante de France qui, après un rappel de quelques données du GIEC, expose les enjeux éthiques des changements climatiques et propose des pistes théologiques pour nous aider à adopter simplicité volontaire et à nous mobiliser en tant que citoyens.
  • Kurt Aufderegger (éd.), Paroisses vertes, Labor et Fides, 2010 (19,30 €) pour une réflexion en Église et des pistes concrètes. Et en complément, on peut consulter le module "diagnostique"  de l'initiative œcuménique anglaise "éco-paroisses" (eco-congregation en anglais) traduit par le réseau Bible et création. Pour en savoir plus sur ce réseau soutenu par l’Église protestante unie de France : http://blog.bibleetcreation.com/
Bonne année 2015 !
Claire Sixt Gateuille