jeudi 18 décembre 2014

Un monastère éphémère


Croix à Busan (c) Dina Rajohns
Le "patrimoine monastique" comme source d'inspiration 
La spiritualité monastique recèle des trésors qui peuvent encore parler à nos contemporains. J'en veux pour preuve le développement d'activités qui s'appuient sur des traditions spirituelles nées dans des monastères (exercices ignaciens, lectio divina, contemplation ou adoration, prière des heures, etc.) ou même des lieux de vie communautaire (comme le séminaire de Finkenwalde que Bonhoeffer a dirigé et dont l'expérience lui a inspiré le livre De la Vie communautaire).

Je vois poindre deux types de nouvelles pratiques, liées aux deux types de monachisme : 
- le monachisme érémitique, qui met en avant le retrait pour se consacrer à Dieu, inspire plutôt le phénomène des retraites spirituelles, aujourd'hui en plein essor. On peut d'ailleurs noter que les retraites spirituelles aujourd'hui sont loin d'être toutes organisées par les Églises ou les ordres monastiques institués.
- le monachisme cénobite, qui met en avant la vie communautaire sous le regard de Dieu, inspire plutôt le phénomène de formations de petits groupes qui se retrouvent régulièrement pour se soutenir dans la prière, l'écoute réciproque et le partage sur le quotidien, l'encouragement mutuel à être fidèles à Dieu (selon une vision de cette fidélité qui est à la base de la formation du groupe). On peut trouver là des groupes de maison, des communautés nouvelles, des fresh expressions of Church... et des groupes plus informels qui ne sont soutenus par aucune institution.

La spiritualité comme "épaisseur de la vie"
Comment marier aujourd'hui rythme de vie trépidant (en particulier quand on a des enfants), profession épanouissante mais chronophage et besoin d'une spiritualité profonde et nourrissante ? 
On ne veut plus aujourd'hui choisir entre vivre sa foi pleinement et vivre dans le monde. Entre autres car le centre de nos préoccupations s'est déplacé de la vie éternelle vue comme l'au-delà à la vie en plénitude, offerte dès aujourd'hui, dans laquelle la foi donne sens, profondeur, densité, "épaisseur" à nos vies. 

La communion avec Jésus-Christ ne se vit plus (ou rarement) sur le mode de la souffrance ici pour avoir la plénitude après (comme Jésus-Christ, fils du Dieu incarné, a vécu son chemin de croix sur la terre avant de connaître la gloire dans le ciel, selon cette logique) ni sur le mode de la "performance spirituelle" qui essaierait de nous détacher des réalités du monde, soit par la privation (ascétisme) soit par l'élévation dans une connaissance supérieure (gnostique). 

Elle se vit plutôt sur le mode d'une "résistance à la réalité" où la foi affirme la présence continue du Christ à nos côtés malgré son absence apparente ; cette présence est manifestée de façon très diverse suivant les traditions spirituelles ou confessionnelles (par du ressenti ou par l'engagement des chrétiens dans le monde, sous forme d'émotion, de rite(s), de paroles qui changent notre regard sur le monde, de gestes prophétiques, d'attitudes ou "fruits de l'esprit", etc.). Cette résistance à la réalité, qui risque de s'émousser face à l'expérience du quotidien, a besoin d'être entretenue, soit par temps forts, soit par petites touches.

De l'ermite au retraitant  
Alors, comment marier vie dans le monde et spiritualité profonde ? La première réponse, la plus répandue chez les jeunes, est la suivante : en prenant du temps pour soi, non pas un petit peu chaque jour mais à haute dose, de façon concentrée dans le temps, lors de voyages ou de séjours dans des lieux retirés et/ou pour des temps mis à part (déserts, monastères, rencontres de fraternité spirituelle ou temps forts chrétiens) entre 1 et 6 fois par an. Une occasion aussi parfois de faire le point sur sa vie, tout en se ressourçant. Retrouver du sens, du souffle et éventuellement se poser la question : est-ce que ce que je vis est vraiment ce à quoi je suis appelé(e), suis-je sur la bonne voie ? C'est pourquoi, il me semble, le phénomène des retraites spirituelles se développe depuis une trentaine d'années. 

En passant, je voudrais vous parler d'une belle initiative du Forum œcuménique des femmes chrétiennes européennes. Elles organisent cet été pour la deuxième fois, du 8 au 21 aout, à Hanovre, un "monastère éphémère" pour des femmes de toutes générations et de toutes origines. Un temps de retraite qui comprendra des temps de cheminement (pilgrimage), de cuisine, de travaux manuels, de jardinage, des ateliers, de la musique, des temps de silence, des temps de prière... Bref, un temps à vivre (sur 1 ou 2 semaines, au choix) de façon œcuménique et multiculturelle.
Pour plus d'information : http://popupmonastery.com/

Du monastère à l’Église de maison
(c) Joanna Linden-Montes pour le COE
La deuxième réponse, c'est au contraire de laisser plus de place à Dieu dans le quotidien, et de le faire de façon communautaire pour ne pas se laisser décourager. Cela passe comme je l'ai déjà dit par des groupes plus ou moins formels. Certains sont juste des "groupes de prière améliorés", des groupes de maison tournés vers l'édification ou des groupes de copains qui veulent s'aider mutuellement à rester fidèles à l'engagement qu'ils ont pris de vivre en chrétiens.

Les plus durables sont ceux qui élaborent explicitement une vision du mode de vie vers lequel ils veulent tendre, de la spiritualité sur laquelle ils s'appuient, de l'appel qu'ils ont collectivement reçu de Dieu. Certains établissent une règle, d'autres fixent un ensemble de pratiques ou listent des valeurs qu'ils veulent mettre en pratique. Cet engagement commun sert de gouvernail au groupe et donne la direction. D'autres s'engagent simplement sur un rythme de rencontres.
Certaines Fresh expressions se réfèrent à l'idée de nouveau monachisme (new monasticism), voir le témoignage (en anglais) de Marc Berry ou les différents exemples proposés par le site des Fresh expressions.

Il existe bien sûr des solutions qui mixent ces deux solutions, comme les fraternités appelant à une pratique spirituelle régulière (souvent individuelle) nourrie de rencontres communautaires régulières et de retraites (la Fraternité des veilleurs en est un exemple). Il existe aussi des communautés de vie, reconnues ou non par les institutions ecclésiales, mais celles-ci feront l'objet d'un autre billet...

Claire Sixt Gateuille

mercredi 17 décembre 2014

4e dimanche de l'Avent : réjouissons-nous !

Ce dimanche, l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture et de la peine de mort) nous invite à nous réjouir et à rendre grâces à Dieu. En effet, Le prêtre catholique Joseph Lu Genjun, emprisonné depuis 8 ans en Chine pour avoir refusé de rejoindre une organisation religieuse officielle et non reconnue par le Vatican, a été libéré cette année au mois d'août. Il était vicaire épiscopal du diocèse de Baoding lorsqu'il avait été arrêté en février 2006 et enfermé dans un lieu inconnu en isolement. Il n'avait jamais été jugé ni condamné.

Bravo à l'ACAT qui l'a soutenu et au dizaines de militants qui ont écrit régulièrement aux autorités pour demander sa libération et ont sensibilité l'opinion publique à son sujet. Que Dieu continue de susciter des serviteurs prêts à espérer contre toute espérance. 

Claire Sixt Gateuille

jeudi 11 décembre 2014

3e dimanche de l'Avent : Prier avec l'ACAT

Défenseurs des droits de l'homme au Bahreïn ; Naji Fateel est à droite (c) site de l'ACAT
Pour ce 3e dimanche de l'Avent qui arrive, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture et de la peine de mort (ACAT) nous appelle à prier pour M. Naji Fateel. 
Au Bahreïn, où il est un défenseur des droits de l'homme, il a été arrêté et torturé plusieurs fois. En mai 2013, il a été "soumis à plusieurs séances de torture durant trois jours : simulacres de noyade, décharges électriques, coups, suspensions, privation de sommeil... Il est par deux fois conduit à l'hôpital du ministères de l'Intérieur en raison des blessures causées par les sévices. Présenté au procureur le 4 mai, il est forcé de signer des aveux sans pouvoir les lire. Naji Fateel a montré au juge les traces des tortures sans que celui-ci en prenne note. En juillet 2013, il est condamné à 15 ans de prison. 
L'ACAT fait pression sur le gouvernement du Bahreïn pour exiger sa libération". 

Prions pour lui.

Claire Sixt Gateuille
Pour en savoir plus sur l'ACAT : http://www.acatfrance.fr/

vendredi 5 décembre 2014

En route vers 2017

2017 n'est pas seulement l'année où l’Église protestante unie devrait adopter sa nouvelle confession de foi et devenir encore plus une Église de témoins. C'est aussi les 500 ans de la Réforme : en 1517, Luther aurait affiché - il a en tous cas publié - ses 95 thèses sur la porte de l’Église de Wittemberg, lançant ainsi le mouvement qui se voulait réforme interne à l’Église et est devenu "la Réforme" avec l'apparition des Églises protestantes.

Densité des manifestations autour des 500 ans de la Réforme
Nous ne sommes pas les seuls à fêter 2017... Si l'on veut établir un schéma de la densité de manifestations autour de 2017, cela donne çà : des cercles concentriques de l'Allemagne au monde entier et du luthéranisme à l'inter-religieux. De nombreuses Églises se mobilisent, mais il est vrai que l’événement est surtout fêté en Europe. 

On peut dégager 3 axes principaux autour desquels s’orientent les manifestations, et selon les pays l’un ou l’autre axe seront privilégiés : 
- Histoire et patrimoine : quel apport de Luther et des luthériens dans la société hier et jusqu’à aujourd’hui ? 
- Actualisation : Quel message inspiré de Luther et de l’évangile pour aujourd’hui ? 
- Diaconie et social : quel salut incarné aujourd’hui ? De quelles libérations Dieu nous appelle-t-il à être ses agents ?

Quelques-uns des logos des festivités en 2017
Globalement, dans la plupart des Églises, on retrouve : 
- La production d’outils pédagogiques à destination des jeunes et des moins jeunes, 
- Un travail de recherche théologique, des séminaires, la traduction d’œuvres de Luther ou de « Du Conflit à la communion » (voir plus bas), 
- Des expositions, des performances artistiques, 
- Des activités jeunesses, 
- Des célébrations, œcuméniques et confessionnelles, et la production de matériel liturgique.   

Logo de l'assemblée de la FLM en 2017
La Fédération luthérienne mondiale travaille aussi à la préparation de 2017. Elle a adopté un thème valorisant le message du salut par grâce proclamé par Luther : « Libérés par la grâce de Dieu » et 3 sous-thèmes qui l’actualisent face aux grands défis contemporains : « Le salut – pas à vendre », « L’être humain – pas à vendre », « la création – pas à vendre ». Parmi les multiples initiatives mises en place à cette période, j’en retiens deux plus originales : un réseau des jeunes réformateurs qui a été lancé, permettant à 2 jeunes de chaque Eglise membre de la FLM de se rencontrer, parfois virtuellement, parfois physiquement, pour réfléchir ensemble à ce que signifie « être libérés par l’amour de Dieu pour changer le monde » entre 2014 et 2018 ; et une rencontre inter-religieuse sur les notions de réforme (dans un sens général) et de renouveau.

L’événement s’est aussi préparé en amont au niveau œcuménique, avec tout un processus de dialogue autour de la mémoire : les luthériens et les catholiques ont travaillé la lecture qu’ils faisaient de l’histoire de la Réforme, lecture marquée par leur appartenance confessionnelle, et ont fait un travail de réconciliation des mémoires et d’affirmation des avancées œcuméniques. Le résultat de ce travail est le texte « Du conflit à la communion » dont la version française vient de paraître aux éditions Olivétan

Pour finir, voici quelques initiatives qui m’ont paru originales, parmi celles dont j’ai eu écho (d’ici 3 ans, de nombreuses choses peuvent encore se faire) : 
Le Luthergarten à Wittemberg (500 arbres plantés d'ici 2017)
- Un opéra thématique (Danemark), 
- Une fête de l’ascension tournée autour de l’idée de la grâce et de sa place dans la culture et la théologie finlandaise, organisée dans chaque paroisse avec des animations en plein air (Finlande),
- L’installation d’une porte géante dans la plus grande Eglise du pays et l’affichage de thèses écrites par différents groupes des Eglises de tout le pays (Islande), 
- Une libraire numérique (Hongrie), 
- Des plantations d’arbres (Wittenberg, Indonésie), 
- Un site internet œcuménique où les gens peuvent partager leurs réactions à la lecture de « Du conflit à la communion » (Allemagne).

Claire Sixt Gateuille
 

jeudi 4 décembre 2014

2ème semaine de l'Avent, prière de l'ACAT

Journalist Solijon Abdurakhmanov

Ce dimanche, L'ACAT, action des chrétiens pour l'abolition de la torture et de la peine de mort, nous appelle à prier pour Solijon Abdurakhmanov, journaliste emprisonné en Ouzbékistan. L'état de santé de ce journaliste, placé à l'isolement depuis 6 ans, est très préoccupant. Il a été torturé durant sa détention et son état actuel serait en partie dû aux séquelles des sévices infligés à la prison dans laquelle il était précédemment détenu. Prions pour lui.