lundi 8 janvier 2018

Quels ministres pour demain _ 1ère partie

Le 30 septembre 2017, j’intervenais à la formation des présidents et vice-présidents de Conseil presbytéral de la région parisienne sur « quels ministères pour demain ». J’y abordais les réflexions et évolutions dans le discernement et la formation des pasteurs ou prêtres (pour l’Église anglicane) dans diverses Églises européennes. Je vous propose ici un petit focus sur l’Église d’Angleterre. 

 
Il faut d’abord noter que l’Église anglicane n’a pas la même ecclésiologie que nous, ce qui se sent dans sa façon de travailler la question de la place des prêtres anglicans dans l’Église. De même le contexte est très différent, c’est une Église qui fut majoritaire et qui reste bien implantée et reconnue socialement et politiquement. Aussi ce que je vais présenter ici n’est pas une méthode à appliquer en « copier-coller » dans notre Église, mais une visite en terre étrangère – mais amie – qui peut nous intéresser, nous questionner, nous déplacer, ou raisonner avec certaines de nos réalités.

J’ai dégagé quatre axes de ce que j’ai vu ou lu dans cette Église. J'en présente un aujourd'hui, les autres viendront dans les prochains jours :

1.    Les Églises ont besoin de ministres appelés
… et donc de communautés qui les appellent

L’individualisation pousse les Églises d’Europe occidentale à compter principalement sur la vocation interne que Dieu suscite dans le cœur de certains, et à ne faire intervenir la vocation externe que dans un deuxième temps, dans le processus de "sélection" juste avant l'entrée dans le ministère. Du coup, on a des vocations de personnes qui ressemblent à nos paroissiens : d’une certaine maturité – donc souvent d’un certain âge – qui se sentent bien dans l'Église telle qu’elle est, avec ses codes et sa culture. Les exceptions viennent de paroisses qui travaillent ouvertement la 2e dimension de la vocation, la vocation externe, avant même le début des études de théologie. Et c’est un des axes de travail actuels de l’Église d’Angleterre : multiplier les lieux de discernement personnel, mais aussi les occasions de discernement collectif, en particulier sur des temps longs.

1.1.    Côté personnel, l’objectif de l’Église d’Angleterre est de donner un coup de pouce à des jeunes, des femmes, des personnes plus représentatives de la diversité présente dans l’Église, pour qu’elles puissent imaginer que Dieu peut les appeler, y compris au ministère pastoral. Aussi, des journées « discipleship » (devenir disciples du Christ) ou « leadership » (ministère de direction) sont organisées, qui permettent aux participants de découvrir ou d’approfondir leur vocation, leur appel à servir l’Église.

Ces rencontres sont centrées sur les ministères locaux et la prise de responsabilité « laïque », mais des témoignages de pasteurs sont aussi donnés lors de ces journées, pour aider les participants à se projeter dans un possible ministère personnel. Certaines de ces réunions ont des publics-cibles spécifiques (jeunes, femmes, etc.).

Des « tuteures », pasteures expérimentées, sont également proposées systématiquement dans certains diocèses pour accompagner les étudiantes en théologies, pour qu’elles puissent partager leurs doutes, leurs questionnements  (y compris personnels : conjoints, enfants, etc.) et avoir quelqu’un à qui s’identifier dans leur « devenir pasteure ». 


1.2.     L’Église anglicane a aussi mis en place une campagne de discernement collectif. L’idée est de discerner parmi les personnes engagées dans l’Église, celles et ceux qui ont des talents de « leaders », c’est à dire une vision pour l’Église et une capacité à dire Dieu dans le monde d’aujourd’hui et à transmettre cette confiance, pour leur dire qu’on les verrait bien devenir prêtres. La vocation externe est traitée dans sa dimension d'encouragement, d'appel extérieur, et pas seulement dans sa dimension de sanction (oui ou non à l'entrée dans le ministère) à la fin d'études de théologie).

Cette vocation externe est aujourd’hui valorisée, parce qu’elle permet un discernement sur un temps plus long, avec une réelle connaissance, pour les candidats au ministère, de ce qu'est l’Église avant même le début de la formation pastorale, ce qui est de moins en moins le cas chez les étudiants en théologie. Ce processus est particulièrement pertinent dans l’Église anglicane car celle-ci a également, de par son système épiscopal, une capacité à encourager, à expérimenter, à oser (tout en assurant un accompagnement) qui permet d’appeler des profils atypiques, des gens qui ont envie de lancer des choses innovantes et de s’impliquer à fond (y compris professionnellement, que ce soit comme prêtre ou sans viser l’ordination) ; des gens « out-of-the-box », qui ont envie de vivre l’Église autrement, etc. Cela favorise l'innovation ecclésiale, non pas pour le plaisir de faire du neuf, mais dans le but missionnaire de toucher plus de monde, de permettre à plus de monde de ce dire "l’Église, c'est aussi pour moi".

Car l’évêque peut se permettre de « parier » sur quelqu’un ou sur un projet. Cette ouverture, doublée d’une culture de l’encouragement (« voir en chacun le meilleur » comme le disait dernièrement un journaliste de Church News dans un article), permet de tester, de tâtonner, de se tromper sans être dévalorisé, bref, de (se) donner une chance. Dans un système presbytéro-synodal comme le nôtre (dans l’EPUdF),  les décisions sont (souvent) prises collégialement, il faut donc convaincre plus de personnes… C’est un garde-fou bienvenu dans certains cas, mais cela risque de développer une culture du contrôle plus que de l’encouragement et cela facilite l’immobilisme dans d’autres cas. Cette culture de l’encouragement devrait nous interroger sur notre façon de vivre la gouvernance en Église. Faisons-nous vraiment confiance à Dieu ? Acceptons-nous vraiment que Dieu nous dise « Ma puissance se montre vraiment quand tu es faible » ?

1.3.    Une formation en alternance sur 3 ans (la durée classique de formation d’un prêtre anglican au Royaume-Uni) pour les futurs prêtres a également été mise en place à Londres depuis quelques années, qui permet une pratique pastorale dès le début de la formation. Cette mise en valeur de la pratique, avec des futurs prêtres qui peuvent expérimenter la réalité de terrain avant de s’engager, permet aussi des parcours diversifiés, avec des futurs prêtres venant de ministères locaux rémunérés (jeunesse, catéchèse, diaconie), bénévoles, voire même directement des études ; cela permet aussi de ne pas survaloriser les profils d’intellectuels. En 10 ans, le nombre de personnes suivant cette formation en alternance a crû de façon exponentielle.

La suite dans le prochain billet...
Claire Sixt Gateuille

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