Minute de silence à la FPF (c) Daniel Cassou |
Mercredi était déjà pour nous une journée de deuil. Ce jour-là étaient célébrées les obsèques de la femme et de la belle-mère d’un collègue, décédées dans l’incendie du presbytère où ils résidaient.
A cette tristesse s’est ajoutée la sidération en apprenant l’attentat à Charlie Hebdo, drame national qui a plongé la France entière dans le choc et le recueillement. Les français se sont sentis attaqués à travers ce journal satirique, que pourtant beaucoup trouvaient parfois outrageant, souvent limite…
Mon prédécesseur me disait hier à la pause-café que la réaction des gens à cet attentat a été révélatrice de ce qu’est « l’esprit Français », et je suis d'accord avec lui :
Attaquer ainsi Charlie Hebdo, c’est attaquer cette capacité à la dérision qui fait partie de la culture française. Car oui, la dérision est chez la plupart des français une façon d’être, y compris pour ce qui est le plus important ou le plus intime : nos valeurs, notre foi, notre auto-compréhension. Nous pratiquons l’autodérision, aimons l’impertinence, apprécions les critiques (parfois) acides mais justes, même si elles révèlent une attitude irrévérencieuse.
Cette dérision n’a pas pour but de choquer mais de nous rappeler que ce que nous investissons symboliquement n’est pas le tout de notre identité et de nous amener à réfléchir sur ce qui nous paraissait évident. Je pense que cette autodérision trouve une de ses sources chez le philosophe Rousseau qui invitait les citoyens à se détacher de « l’amour-propre ». Quoi de mieux que l’autodérision pour relativiser notre dépendance au regard d’autrui ?
A la faculté de théologie protestante de Paris , une exposition se prépare sur la caricature en lien avec la théologie, "Traits d'Esprit" (elle aura lieu du 04 au 28 mars 2015), avec des œuvres d’artistes divers (PIEM, MIX et REMIX, MOLINA, PLANTU et beaucoup d'autres). Elle était prévue depuis longtemps, elle prend tout son sens aujourd'hui. Parce qu’un dessin humoristique réussi fait rire, et qu’un bon dessin humoristique fait réfléchir…
Dessin de Piem paru au lendemain de la tuerie |
Le visage que la France a présenté mercredi, unie et solidaire dans la détresse, avec ce réflexe des gens de se retrouver sur les places pour être ensemble, pour se serrer les coudes face au drame, même en silence, plutôt que de se ruer dans les discours de haine et de « bouc émissaires » comme on l’entend trop souvent face à la crise, m’a paradoxalement redonné confiance. On nous a fait croire ces derniers temps que la liberté était une « valeur molle », acquise ou récupérée par la communication publicitaire et le capitalisme de marché. Or nous nous sommes aperçus hier qu’on pouvait mourir pour le mot liberté, y compris ici, en France. Et je vois tant de gens autour de moi choisir de dépasser la peur...
De nombreuses Eglises-sœurs et organisations ecclésiales ont publié des communiqués ou nous ont manifesté leur soutien et leur affection. Leur sollicitude m’a touchée et me rappelle à quel point la foi me permet de vivre cette fraternité au-delà des différences culturelles, au-delà même de certaines incompréhensions concernant nos façons de vivre. Bref, tout le contraire de la haine de l’autre manifestée par les extrémistes, de quel bord qu'ils soient.
Claire Sixt Gateuille
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