dimanche 5 octobre 2014

Besoins spirituels et réponses des Eglises


E. Parmentier, professeur à Strasbourg (c) CSG

Lors du colloque organisé par la CEPPLE en ouverture de son assemblée, Jean-Pierre Bastian (voir le billet d’hier) et Elisabeth Parmentier nous ont accompagnés dans la réflexion sur « Quel futur pour les Eglises protestantes des pays latins d’Europe ? ». Elisabeth Parmentier nous a présenté 5 attentes contemporaines en matière de croire et les questions que cela pose aux Eglises protestantes.

Le premier besoin, celui d’identité et d’ancrage local, joue chez les « locaux », qui ont besoin de voir leur histoire reconnue et valorisée (par exemple la contribution des protestants à la société), mais aussi chez les personnes issues de la migration qui recherchent un ancrage dans la Bible, parfois jusqu’au littéralisme et des convictions théologiques simples. Elles nous interrogent sur notre capacité à formuler ce que nous croyons et le gros enjeu avec elles est celui de l’interprétation biblique, de l’herméneutique. 

Le deuxième besoin est celui d’appartenance supra-locale et d’ouverture. Il y a toute une dynamique non confessionnelle aujourd’hui dont la proclamation est centrée sur Jésus-Christ mais sans théologie élaborée, dont les Eglises sont définies non en termes de confessions mais en termes d’activité spirituelle, d’expérience, de convivialité, de bien-être communautaire et de festif. Face à cette mouvance, comment pouvons-nous offrir à nos membres un ancrage plus large que la paroisse locale ? En valorisant nos réseaux et organisations internationales, mais aussi en faisant connaitre les grandes figures protestantes actuelles (Margot Kässeman, Lytta Basset, etc.), car les gens cherchent des « maîtres spirituels ». Concernant les organisations internationales, tout l’enjeu est d’arriver à surmonter les divisions liées aux questions éthiques et donc de travailler avec les autres Eglises l’articulation entre culture, contexte, identité historique et biblique.

Anne-Laure Danet animait les débats (c) CSG
Le troisième besoin est celui d’expérience spirituelle, de vivre quelque chose en rapport avec la foi. Beaucoup d’Eglises travaillent aujourd’hui à des célébrations plus expérientielles, plus festives, à la « fécondité » de leurs cultes. Nous savons l’importance de l’accueil humain autour du culte, mais pas forcément valoriser les charismes personnels. Nous avons des réalités patrimoniales que nous pourrions valoriser mieux, avec l’aide d’artistes pour développer aussi l’accueil « vertical », l’ouverture à la spiritualité. Et développer les lieux informels, occasion d’un accompagnement des passants, dans une qualité théologique et de sens (on constate les questionnements ou les récits de vie qui surgissent au détour d’une visite, à la sortie d’un concert, dans une discussion avec la personne qui « tient l’exposition » ou est présente).

Le quatrième besoin est celui de théologie. Les gens ne cherchent plus le salut ou la vie éternelle, mais une vie réussie. Nous devons adapter notre discours pour ne pas commencer par la proclamation du salut, mais partir d’une théologie de la bénédiction pour les amener ensuite, dans l’accompagnement, à l’idée du salut. L’idée de salut pose trois problèmes à nos contemporains : ils la placent post-mortem alors que ce qui les intéresse, c’est aujourd’hui ; avec le salut par grâce, ils n’ont plus rien à faire ; et ils attendent des religieux une parole magique ou un rite, un geste de protection et non une mise en mouvement…

Le dernier besoin est celui de dialogue multiculturel et interreligieux. Face à la peur de l’autre, à la peur du conflit, mais aussi à la peur de « se perdre », nos contemporains ont besoin d’Eglises confessantes, qui affichent clairement leur conviction (ont un message « profilé »), mais aussi conviviales et accueillantes. Des Eglises également ouvertes au dialogue inter-religieux et impliquées dans la « guérison des mémoires » après des conflits.

une partie de l'assistance (c) CSG
Dans le travail de groupes qui a suivi, quelques pistes ont été évoquées, pour nos Eglises ou la vie de la CEPPLE :
- Nous devons toujours trouver le juste chemin de crête entre fidélité (à l’Evangile, aux convictions protestantes) et innovation (pour rencontrer les attentes et les besoins de nos contemporains), à la fois dans l’institution et dans chaque ministère (laïc ou ordonné).
- Comment faire une pastorale sur mesure qui ne soit pas du prêt-à-porter ? Etre confessant, ce n’est pas être dogmatique.
- Comment allier attitude œcuménique et message « profilé » ?
- La CEPPLE pourrait se saisir de la perspective de 2017 pour permettre à ses membres d’apporter un témoignage (type témoignage vidéos de membres) sur quel est le sens d’être Eglise protestante aujourd’hui (dans les pays latins). 
- Comment se positionner dans ce monde de concurrence effrénée, y compris dans la proposition de sens ? Les groupes humanistes athées ou agnostiques sont ceux qui sont le plus en croissance.
- Comment gérer le fait qu’un contre-témoignage, ou même une non-disponibilité en cas de demande urgente ont des conséquences directes ? L’attente de pasteurs qui soient des figures charismatiques ? Les protestants historiques sont coincés entre la peur du « gourou » et la nécessité de s’appuyer sur des personnalités médiatiques pour prendre et/ou faire connaitre des positions fines mais médiatiques.

Une partie importante des échanges a aussi porté sur la place des minorités « ethniques » dans nos communautés et la différence dans les positionnements éthiques entre elles et le reste des communautés. Comment arriver à accepter l’herméneutique de l’autre et à entendre son positionnement éthique sans le juger ? Comment faire aux personnes issues de la migration toute leur place dans nos Églises ? Comment accompagner les jeunes malgré ces différences ?

Ce colloque a été un temps de partage très riche et l’occasion de discerner quelques perspectives pour la CEPPLE pour la période 2014-2018.

Claire Sixt Gateuille

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