Plénière "Mission", AG COE 2013 à Busan (c) AS Guerrier |
Le texte "Ensemble vers la vie : mission et évangélisation dans des contextes en évolution" de la commission pour la mission et l'évangélisation du Conseil Œcuménique des Églises (COE) a été validé par le comité central du COE et étudié durant l'assemblée de Busan. Pour moi, ce texte est d'une totale et bienvenue étrangeté...
Le premier dépaysement, pour mon esprit formé à la classification et aux
définitions précises et cadrées, c'est son approche "holistique". Ma
première impression de lecture a été celle d'un texte fourre-tout,
mêlant dans un seul élan évangélisation et protection de
l'environnement, eschatologie et socioéconomique, vie et rapport à
l'argent, humilité et guérison, etc. dans un texte trop dense pour se
soucier des articulations. Cette première impression a été grandement
infirmée par une étude plus poussée du texte, même si l'impression de
densité reste (les auteurs ont été obligés de raccourcir leur texte pour
ne pas donner trop à lire aux délégués, mais n'ont pas voulu sacrifier
une partie du contenu).
L'approche holistique : ça part dans tous les sens ? |
Voici le cheminement que j’ai retenu à la lecture
de ce texte :
1. Aujourd'hui, on ne peut plus penser la mission
de façon simpliste, les modèles missionnaires ont évolué pour prendre en compte
la complexité du réel. De nouveaux défis s'ouvrent. La mondialisation et le
réchauffement climatique en font partie. Si la mission est d'abord Missio Dei,
mission de Dieu (la théologie classique parlait d'économie de Dieu, c'est
à dire à la fois l'action de Dieu dans le monde et sa volonté de salut pour
celui-ci), alors elle doit être comprise au sens large, dans toutes ses implications concrètes, matérielles, relationnelles et spirituelles.
Plénière mission, AG COE à Busan (c) AS Guerrier |
2. Dieu agit dans le monde par l'Esprit
Saint. Il nous faut articuler l’action du Saint-Esprit dans le monde et
dans la rédemption, ne pas évacuer la dimension mystérieuse de son action dans
le monde et ne pas penser que seuls les êtres humains ont vocation à être
sauvés. Le critère pour discerner l’action de l’Esprit saint, et donc pour s’associer
à la mission de Dieu est « l’affirmation de la vie dans sa plénitude et
dans toutes ses dimensions ». Il ne faut jamais oublier que l’Esprit de Dieu
est souvent subversif et qu’il nous appelle à être renouvelés ; nous
mettre à son écoute suppose donc une spiritualité transformatrice.
3. Dieu est libérateur, notre participation à la
mission doit donc prendre en compte la complexité des dynamiques de pouvoir,
pour travailler en vue d’un monde où la plénitude de vie sera offerte à tous. Pour
cela, nous sommes invités à ne plus penser la mission depuis les centres de
pouvoir et détenteurs de moyens vers des bénéficiaires, mais à travailler au « renforcement
des capacités » [empowerment] de ceux qui vivent à la marge (de la
société, de l’Église, de la communauté) car ces personnes ont des dons et un
potentiel sous-utilisés, ce qui est injuste. Il s’agit de passer d’une logique
pyramidale à une logique de « table-ronde », une forme de réciprocité
où chacun soit valorisé avec ses capacités, à tous les niveaux. Le texte
appelle cela « la mission depuis la périphérie » (Mission from the margins en anglais). Soyons
réalistes, ce changement interpelle y compris nos propres bureaucraties et
logiques ecclésiales !
4. La communauté joue un rôle essentiel dans la
mission : elle est le lieu où se vit de façon concrète l’unité, aussi elle
doit être accueillante et respectueuse pour tous ; elle est un lieu de
guérison, un lieu où la dignité de chacun sera affirmée, où retrouver son
intégrité grâce aux relations avec Dieu, avec les autres et avec la création. De
même que Dieu a choisi la kénose et l’incarnation, de même, toute mission doit
être au service des personnes, et les actions missionnaires être respectueuses
des cultures et des convictions. Cela est particulièrement vrai entre Eglises
chrétiennes, car le respect des autres Eglises est une forme de témoignage
commun. La dimension communautaire ne se vit donc pas seulement au niveau local,
mais plus largement et plus œcuméniquement. La communauté est aussi un lieu de
formation, un lieu où être renouvelés par l’Esprit de la mission, un lieu pour
explorer de nouvelles formes de mission contextuelle (comme c’est le cas de « l’Eglise
émergente », ces nouvelles formes d’Eglise qui fleurissent par exemple en Angleterre).
idem (c) AS Guerrier |
5. l’évangélisation est l’affaire de toute l’Église,
pas seulement de spécialistes. Elle repose sur le témoignage, la confiance, l’humilité
et la formation. Il s’agit d’incarner l’Évangile, « d’articuler
explicitement et délibérément l'Évangile », de rendre compte de l’espérance
qui est en nous. Elle exclue le prosélytisme. L’évangélisation est ancrée dans
la vie de l’Église dans ses différentes dimensions : cultuelle,
témoignage, service et communion (leiturgia,
marturia, diakonia, koinonia). Elle se joue autant par la présence que par
les paroles ou les actes. Elle implique une logique de dépouillement, de
renoncement à soi-même, une vulnérabilité. Et elle valorise l’autre, le
reconnait comme un partenaire (et pas un « objet » de mission),
intègre la liberté religieuse, la pluralité, le respect de la culture de la
personne.
idem (c) AS Guerrier |
6. Conclusion : La mission appelle à « la
fête de la vie », comme dans les paraboles du Royaume de Dieu. La spiritualité
est le « carburant » de la mission, l’Esprit appelle et permet la
transformation vers plus de plénitude de vie. Toute la création est concernée
par la volonté de Dieu et son « plan de salut ». Évangile est bonne
nouvelle, ce qui suppose qu’il soit annoncé avec amour et humilité. Le dialogue
et la coopération pour la vie font partie intégrante de la mission et de l’évangélisation.
C’est Dieu qui anime l’Église dans la mission, qui lui permet d’être
missionnaire.
Ce post est déjà bien assez long, Je vous
partagerai mes questions sur ce texte sur le prochain.
Claire Sixt Gateuille
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