J'ai résumé dans le poste précédent le dernier document sur la mission du COE, ou en tout cas la lecture que j'en fais, voici maintenant quelques commentaires personnels :
(c) Joanna Linden-Montes pour le COE |
J'ai déjà dit que je n'étais pas très à l'aise avec l'approche holistique, parce qu'elle donne l'impression que tout est dans tout et réciproquement. Mais je sais aussi que c'est ma culture d'européenne un peu intello sur les bords qui entraine cette réticence. Je sais que l'intérêt de cette approche est d'aller au delà des cloisonnements et des classifications qui enferment, pour envisager la mission de façon globale et non simpliste. Cette approche donne toute sa place à la souveraineté de Dieu, puisque lui seul peut faire la synthèse de ce qu'est la Missio Dei, cette dynamique qui nous précède et nous survivra, dans laquelle nous sommes invités à entrer. Elle affirme aussi que la mission doit être vue comme concernant toutes les dimensions de la vie, puisque l’action de
Dieu ne se limite pas à notre spiritualité ou notre quête de sens ou notre
pratique religieuse, ou même nos relations…
Je sais aussi que mon contexte de réformée française influence aussi beaucoup ma lecture : une approche holistique de la mission comme Missio Dei affirme
l’action de Dieu dans le monde en dehors de la participation humaine. Or les réformés (en tout cas en France) ont usé beaucoup d'énergie à dénoncer une approche magique de Dieu, ils
ont fini par répandre le soupçon y compris sur la dimension
« mystérieuse » de l’action de Dieu dans le monde, celle que l’on ne
peut expliquer rationnellement… et en sont parfois arrivés à limiter Dieu aux
manifestations intérieures de l’Esprit Saint. Il me faut aujourd'hui réentendre cette affirmation sans plaquer tout de suite dessus ce réflexe de soupçon...
(c) Joanna Linden-Montes pour le COE |
Ce texte a à mon avis une grosse faiblesse : tout le texte s'articule autour de l'idée de "la plénitude de vie", or le concept de "vie" n'est jamais défini... Le
texte pose par exemple comme critère de discernement de la mission de Dieu : « Nous discernons l’Esprit de Dieu partout où la
vie est affirmée dans sa plénitude et dans toutes ses dimensions ». Le
problème de cette formulation, c’est que le concept de « vie » n’est
jamais défini. Or nous savons que suivant notre conception de ce qu’est la vie,
nous pouvons être, par exemple, totalement en faveur de l’avortement, ou
totalement opposé (la première position défend la vie de la mère, une vie
relationnelle, affective, psychique, qui serait trop déstabilisée par l’arrivée
d’un enfant non désiré, la deuxième défend la vie de l’enfant, vie affirmée dès
la première minute de la conception dans une approche plus ontologique).
Qu’est-ce donc qu’une « vie affirmée dans sa plénitude et dans toutes ses
dimensions » ? Y a-t-il des critères universels ou cette plénitude de
vie dépend-elle du contexte ? et si oui, de quel contexte (sociétal,
communautaire, personnel ?). On le voit, pour moi ce texte nous
interpelle, nous invite à sortir de nos schémas mentaux, mais pour aller vers
où ? A mon avis, la discussion ne fait que
commencer !
(c) Peter Williams pour le COE |
- l’idée de faire
rentrer l’écologie et l’éco-justice dans la mission. Sur le principe, j’y
adhère. Cela dit, la justification de cela est que le projet de salut n’est pas
seulement pour l’humanité mais pour toute la création. Cela est pour moi très
étrange. Je pense que cette idée vient de l’orthodoxie, et je peux la
comprendre. Savoir si je peux me l’approprier pour ma propre spiritualité est
une autre question… en tout cas, c’est une idée avec laquelle j’ai envie de
cheminer.
- Dans la suite de ce que je disais
plus haut sur la Missio Dei, j’ai beaucoup aimé l’affirmation que la mission
n’est pas quelque chose que nous faisons pour d’autres, mais
quelque chose auquel « les humains peuvent participer, en communion avec
l’ensemble de la création », point 22. Cela nous invite à sortir d’une
logique du faire. Nous et nos « programmes
missionnaires », nos « financements sur programme », nous
avons à entendre cela !
- J’ai apprécié
l’idée que « la spiritualité de la mission est toujours
transformatrice » (point 30), qui affirme que la spiritualité est essentielle dans la
mission, comme temps/lieu de disponibilité à se laisser changer…Et le texte va
plus loin en affirmant que « Esprit de Dieu est souvent subversif ».
- Un dernier point qui me semble essentiel est celui de la mission depuis la périphérie, en anglais Mission from the margins, qui se couple avec l'idée d'humilité souvent affirmée dans le texte. Nous ne "maîtrisons" pas la mission, parce qu'elle est mission de Dieu. Nous y participons, avec ce que l'Esprit nous donne de discerner, mais nous sommes toujours marqués par notre contexte, notre formation, nos schémas mentaux, etc. Seules l'humilité et l'inspiration du Saint Esprit, l'écoute et l'attention aux autres et à la création, peuvent nous permettre de remettre en cause ce qui nous semble évident en termes de fonctionnement et de structures, mais qui en fait fonctionnent de façon oppressante ou excluante pour les personnes qui sont en marges (de la société, de l'Eglise, de la communauté, etc.).
(c) Joanna Linden-Montes pour le COE |
En bref, un texte très riche, très interpellant, très dense. Un texte avec lequel cheminer, sur lequel discuter, échanger, partager. Un texte qui nous invite à entrer en dialogue avec d'autres, en somme. Et à entrer dans ce flot qui nous dépasse qu'est la mission. Y êtes-vous prêts ?
Claire Sixt Gateuille
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