mercredi 9 juillet 2014

Se positionner et rester ouvert au dialogue



En ce dernier jour, nous avons bénéficié de l’intervention de Jean-Daniel Plüss, de contributions de participants au séminaire puis d’une synthèse des débats proposée par le professeur Ephraïm Radner, de l’Eglise anglicane au Canada.
Jean-Daniel Plüss (c) CSG
Jean-Daniel Plüss, pasteur d’une Eglise pentecôtiste suisse, nous a parlé des pentecôtistes dans le mouvement œcuméniste. Il a commencé par distinguer les pentecôtistes des Eglises de la prospérité et rappeler que toutes les « megachurches » ne sont pas des Eglises de la prospérité. Cela dit, il faut dialoguer avec ces Eglises car l’idée de la prospérité comme bénédiction est un élément présent dans de très nombreuses cultures sous une forme ou une autre. Il faut donc dialoguer avec ces Eglises, en particulier sur les thèmes de la lecture et l’herméneutique des textes bibliques.

Il a ensuite parlé des différents « paradigmes philosophiques » qui ont marqué l’histoire du Christianisme. Selon lui, de l’apparition du Christianisme dans le monde grec à la Réforme, l’Eglise était « le sacrement du Christ dans le monde », une structure offrant une foi cohérence et une communauté hiérarchiquement structurée au peuple de Dieu. La diversité y est vue comme une menace pour l’institution. C’est « l’ère ontologique ». A la Réforme, un nouveau paradigme apparait : celui de « l’ère épistémologique », où l’essentiel devient de comprendre ce que l’on croit, d’adhérer à la confession de son Eglise. Cette insistance sur la confession de foi a amené de facto au développement des différentes dénominations ecclésiales. Les 18e et 19e siècles qui ont introduit une insistance nouvelle sur le sujet, sur son expérience, ont vu apparaître la troisième ère : « l’ère phénoménologique ». L’Eglise comme corps du Christ, non seulement structurée, non seulement communauté se rassemblant autour de la même confession de foi, devient expérience communautaire, dans laquelle l’individu ressent la communion entre frères et sœurs. La foi devient quelque chose qu’on peut raconter, dont on témoigne personnellement.

Jean-Daniel Plüss (c) CSG
Il a ensuite raconté l’histoire du pentecôtisme depuis le début du 20e siècle, ainsi que les points sur lesquels le pentecôtisme a particulièrement contribué au mouvement œcuménique, à savoir les discussions sur le prosélytisme, l’unité vue comme communauté (fellowship), l’importance du témoignage personnel, l’appel à un œcuménisme moins structurel et plus spirituel. Il a rappelé les forces du mouvement pentecôtiste : la réponse aux attentes des gens (particulièrement au niveau des différentes tranches d’âge), l’adaptabilité, la souplesse des structures, le fonctionnement en réseau, le fait de permettre aux gens de se sentir comme chez eux, l’image d’un Dieu qui prend soin de son peuple, le fait que chacun a reçu de Dieu des dons…

Ensuite, Dirk Spornhauer, pasteur en Allemagne, a présenté l’évolution dans le temps des typologies de classification des Eglises des mouvements pentecôtistes et charismatiques et l’évolution du fonctionnement en réseau et des pratiques de ces Eglises au fur et à mesure du développement de ces mouvements.

Harald Lamprecht a quant à lui présenté l’évolution de l’appartenance ecclésiale en Saxonnie entre 1949 et 2011, les différents types d’Eglises charismatiques et non-dénominationnelles qu’on y trouve,
ainsi que les questions que ces Églises posent à l’œcuménisme dans son contexte.

Encore une fois, ça a été une vraie galère d’arriver à suivre la traduction en anglais, avec des intervenants lancés comme des locomotives dans leur discours en allemand, sans support écrit pour la pauvre Elaine qui a tout de même fait un travail remarquable ! Ça m’a remotivée pour mes cours d’allemand…


Ephraïm Radner (c) Wyclif College

 Ephraïm Radner a clos la session en nous appelant à faire des choix et à nous positionner par rapport à ce que nous avons entendu et découvert pendant ce séminaire. Il nous a proposé une série de questions pour nous aider à cela, comme : Quelle est la forme de relation la plus juste entre notre Eglises et ces nouveaux mouvement chrétiens ? Quelles sont les catégories que nous choisissons pour les désigner ? Le pentecôtisme fait-il partie du protestantisme ou non ? Comment pouvons-nous apprendre de ces Eglises ? Y a-t-il des choses dans leur discours ou leurs pratiques que nous trouvons inacceptables ? Est-ce que nous évaluons la pertinence de leur action à l’aune de leur croissance ? Croyons-nous qu’une Eglise puisse être auto-suffisante ? Est-ce la volonté de Dieu que ces Eglises soient ce qu’elles sont ? Se satisfait-on de la situation ? Comment travaillons-nous les déficits ecclésiaux de nos propres Eglises, que ces communautés mettent en lumière ? Comment discerner la volonté de Dieu, pour eux et pour nous ? Il a également parlé de « mutual accountability » entre ceux mouvements et nos Eglises, l’exigence de tenir compte de l’autre, le fait d’avoir « à lui rendre des comptes », c’est-à-dire à apprendre à le connaître et à le prendre au sérieux, à lui rendre justice dans les jugements que nous portons sur lui.

Fresque de l'Eglise St Thomas (c) CSG
Le séminaire s’est clos avec un culte luthérien avec Sainte-cène. Il était émouvant, presque douloureux pour moi de voir les participants catholiques ne pas prendre la communion alors que nous avions échangé tant de choses pendant ces quelques jours… Un signe du chemin que nous avons encore à parcourir. J’ai pour ma part dû partir précipitamment juste après cette communion, le train n’attendant pas…

Ce séminaire a été une belle expérience, très intéressante, même si la forme choisie d’une succession d’exposés ex cathedra suivis de questions-réponses n’est pas la meilleure façon de sortir d’une approche uniquement intellectuelle des problématiques œcuméniques… Je retiendrai comme principal point négatif le peu d’attention des intervenants (quelques soit leur langue) aux exigences de la traduction, en particulier celle de parler lentement et de fournir un texte écrit au préalable. Et comme principal point positif la diversité des intervenants et des participants qui a vraiment été enrichissante.

Claire Sixt Gateuille

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