Ruelle de Strasbourg, près du Stift (c) CSG |
Deux phénomènes marquants sont en pleine
croissance dans le monde : les mouvements qui jouent à saute-moutons
avec les frontières ecclésiales et confessionnelles (le mouvement
charismatique est un bon exemple) et les communautés ecclésiales qui
refusent toute affiliation à une confession particulière (on les appelle
souvent les néo-...quelque chose).
L'institut
d'études œcuméniques de Strasbourg organise donc cette semaine une
formation sur ces mouvements. Même si la forme est très académique
(exposés suivis de questions réponses), j'espère qu'elle s'assouplira un
peu samedi matin avec la rencontre de responsables "d'Eglises
ethniques", le sujet est intéressant et la variété des intervenants fait
la force de ce séminaire.
A. Birmelé (c) Ecumenical Institute |
Ce
matin, André Birmelé nous a proposé un essai de classification de ces
"nouvelles communautés chrétiennes" (les sociologues ont déjà inventé un
nouveau sigle : NCC) en 5 types :
- Églises ethniques
- Églises
évangéliques ou charismatiques "classiques" (et les mouvements
charismatiques et piétistes présents dans les Eglises
"traditionnelles").
- Églises pentecôtistes et néo-pentecôtistes
- Megachurches, très liées à la personnalité du meneur
- mouvements à tendance sectaire mais se réclamant du christianisme.
Il
a souligné que l'apparition des NCC varie beaucoup d'un pays à l'autre,
selon les types de positionnement des Églises, en particulier l’Église
majoritaire, dans la société. Il a ensuite listé les défis théologiques
auxquels nous sommes confrontés face à ces Églises, et 5 déficits que
l'apparition de ces Églises a mis en lumière, dont celui qui me semble
le plus important, celui de notre travail missionnaire... Il a fini par
les enjeux œcuméniques, et j'ai particulièrement noté celui de la
nécessité d'une nouvelle méthodologie dans les dialogues, la théologie
et l'ecclésiologie n'étant pas les questions qui intéressent le plus ces
NCC. André avait eu la délicate attention de traduire son texte en
Français pour ces auditeurs francophones (les deux langues du séminaire
sont l'allemand et l'anglais) ; j'ai apprécié !
Timothy George, des Southern Baptists |
Nous
avons ensuite entendu le professeur Timothy George nous parler des
évangéliques (evangelicals) américain et de l'unité chrétienne. Son
exposé a porté sur l'histoire d'un groupe ad-hoc, sans délégation
institutionnelle (comme le groupe des Dombes en France) mais ayant
beaucoup œuvré à la connaissance réciproque et au dialogue entre
catholiques et évangéliques, pour dépasser les préjugés et les réflexes
de rejet des deux entités ; il a d'ailleurs appelé cela "un oecuménisme de tranchées". Ce groupe s'appelle "Evangelicals and Catholics together" ; il a deux axes de travail : les questions sociales et éthiques d'un côté, le dialogue sur les thèmes théologiques qui divisent (salut, autorité des Écritures, place de Marie).
T. George a classifié les evangelicals aux USA en 4 catégories : puritains, piétistes, pentecôtistes et fondamentalistes. Il a également listé les principales raisons de méfiance entre les évangéliques et les catholiques (persécutions, question de la place dans la société, exclusivisme et poids de l'histoire, en particulier l'identification du pape avec l'antéchrist...). Il a souligné qu'il y a deux courants chez les évangéliques, l'un dans une logique de repli sur lui-même, l'autre plus ouvert au dialogue.
Wolfgang Thönissen (c) theologisches seminar Elstal |
Cet après-midi, le professeur Wolfgang Thönissen, a partagé avec nous l'approche qu'a l’Église catholique romaine des évangéliques, pentecôtistes et nouvelles communautés chrétiennes. Il a commencé par noter que ce mouvement existait dans, aux marges et en dehors de l’Église catholique. Il est membre du conseil pontifical pour la promotion de l'unité et a déroulé l'argumentation de l'Eglise catholique pour s'impliquer dans le dialogue œcuménique (1. volonté de dépasser la division de l'Eglise ; 2. Tout baptisé au nom de la trinité doit être un sujet d'intérêt pour l’Église catholique, et les baptisés hors de l’Église s'organisant généralement en communautés croyante, il faut s'intéresser aussi à celles-ci ; 3. l'Eglise est corps du Christ, c'est le mystère de la communion des croyants ; or on ne maitrise jamais tout dans le mystère, aussi il faut s'interroger sur la forme dont l'Eglise comme "mystère visible" se manifeste).
Il a partagé sa lecture des textes de Vatican II et de l'encyclique Ut Unum Sint. Pour lui, le terme de "communauté ecclésiale" ne serait pas une façon de dénier aux Églises de la réforme le statut d’Église mais de prendre en compte l'auto-compréhension de certaines communautés (dont certaines parmi les NCC).
Nous avons fini la journée par un temps de travail en groupes et une soirée festive, pour faire plus ample connaissance.
Claire Sixt Gateuille
Bonjour, je viens de découvrir votre blog (le web c'est vraiment fou !) il m'a l'air intéressant pour la réflexion, je ne sais pas qui vous êtes, et ne connais la "génèse" de ce blog, mais bravo.
RépondreSupprimer2 questions pour un «protestant évangélique" d'en bas si vous permettez:
Quand on classe les Eglises évangéliques "classiques" dans les NCC, j'ai du mal à comprendre que les Mennonites, ou les Baptistes qui sont des EE classiques soient des NCC, la réforme anabaptiste radicale n'est pas née d'hier il me semble ? Elle est aussi du 16ème siècle.
Quand le professeur Thönissen dit :"Pour lui, le terme de "communauté ecclésiale" ne serait pas une façon de dénier aux Églises de la réforme le statut d’Église mais de prendre en compte l'auto-compréhension de certaines communautés " je dois avouer ne pas trop comprendre........mais bon je ne maîtrise pas toutes les subtilités de notre belle langue !
Merci, bonne continuation
Philippe
Bonjour,
RépondreSupprimermerci pour votre message. Je ne fais ici que retransmettre ce qui a été dit lors de ce séminaire. Pour mieux comprendre la classification de M. André Birmelé, vous pouvez désormais télécharger son intervention (en version française !) sur le site de l'Institut œcuménique de Strasbourg : http://www.strasbourginstitute.org/en/non-denominational-and-trans-confessional-movements/
Cela dit, je crois que toute classification, en tant que typologie, ne peut être totalement fidèle à toutes les nuances de la réalité. Quant à l'affirmation du professeur Thönissen, je lui laisse la responsabilité de son affirmation.
Bonne continuation