jeudi 30 mai 2019

Dieu croit en nous

Troisième méditation adaptée de l’aumônerie du synode régional 2018, dans la perspective du synode national sur la révision des textes de référence.
« Cessons donc de nous juger les uns les autres. Appliquez-vous bien plutôt à ne rien faire qui amène votre frère à trébucher ou à tomber dans l'erreur» Ro 14.13
« Recherchons donc ce qui contribue à la paix et nous permet de progresser ensemble dans la foi » Ro 14.19
 
1.    « Marche selon l’amour »
Nous avons vu (ici) que la Loi du Premier Testament était plus un chemin qu’un cadre ; nous avons vu (ici) que Jésus nous donnait un horizon, une perspective, les anglo-saxons diraient « une vision » pour avancer sans (trop) se taper dessus vers le Royaume des cieux. Nous voici maintenant avec Paul, qui nous donne une méthode. Une méthode qui se résume en quelque mots : « marche selon l’amour » (Ro 14.15). Trop légère pour être une nouvelle loi, cette méthode est plus une colonne vertébrale qu’un cadre. Elle n’est pas là pour nous imposer des limites mais pour que nous nous soutenions les uns les autres quand nous proclamons l’Évangile. Elle réaffirme que la foi est un chemin, qui ne peut pas être parcouru seul, mais en communauté, à plusieurs, dans l’attention à l’autre, en particulier à ceux qui risqueraient de se décourager et de s’arrêter en chemin.

La foi est cheminement collectif vers un horizon commun. Dans une perspective que Dieu trace pour nous, qu’il nous faut discerner collectivement. Ce n’est pas facile… 

D'abord parce que tout va aujourd'hui si vite qu'on a du mal à ne pas avoir l'impression de tourner en rond dans le désert… Et je les comprends… quand je faisais du scoutisme, on m’avait appris à retrouver ma position sur une carte en prenant 3 points fixes dans le paysage et en les repérant sur la carte. Aujourd’hui, le monde autour de nous change tellement vite, qu’on a l’impression que le temps qu’on repère les 3 points, le premier a déjà eu le temps de bouger… et on se sent perdu ! Et pourtant, c’est nous qui nous sommes déplacés… Et si on prenait le temps de se poser, vraiment, ensemble, pour voir où l’on en est, plutôt que de courir toujours après les attentes des uns, les frustrations des autres et les dernières actualités ? Depuis combien de temps n’y a-t-il pas eu de retraite du conseil presbytéral dans votre Église ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas pris le temps de vous réjouir pour les bonnes choses qui se passaient dans votre Église ?

Ce n’est pas facile non plus parce que nous nous sentons si peu nombreux et si inaudibles dans la société… Ce n’est pas facile, enfin, parce que quand on regarde l’état du monde telle que présenté à la télévision ou sur internet, on se demande parfois si Dieu ne ferait pas mieux de repasser par la case « déluge »… Comment, dans ce cadre, redessiner une espérance ? Comment se rappeler que les « informations » sont en fait une loupe déformante qui ne se focalise que sur ce qui ne va pas ?

2.    « Poursuivons ce qui construit la paix et l’édification des uns par les autres »
Il y a cinq ans, lors de la création de notre Église, nous lancions la dynamique « Église de témoins ». Pour être une Église de témoins, commençons par apprendre à discerner et à se réjouir de tous les petits signes de présence et d’action de Dieu dans notre vie. Commençons par prendre en compte les gens qui sont là, leur fidélité, la beauté de ce que Dieu a fait pour eux, sans nous lamenter sur ceux qui n’y sont pas.

Nous pouvons nous plaindre d’être si peu d’ouvriers pour tellement de travail, mais Jésus nous avait prévenu, c’était déjà le cas à son époque… Et puis, sommes-nous si peu d’ouvriers ou sommes-nous trop de contremaîtres ? Savons-nous faire confiance en Dieu et voir dans tous ceux qui s’intéressent à nous, même de loin, des ouvriers potentiels ? Savons-nous voir celui ou celle qui a peur de tomber à cause de la « viande sacrifiée », celui qu’on ne trouve pas très convaincu – ou pas très orthodoxe dans ses formulations – comme un témoin de l’Évangile dès aujourd’hui, même s’il ou elle n’est pas encore un « fort dans la foi » selon l’expression de Paul, même s’il n’est pas calibré par notre pratique ecclésiale, même si sa foi est encore vacillante ? Saurons-nous construire notre témoignage avec lui aussi ? Et nous, saurons-nous dire notre propre témoignage personnel, quand notre expérience avec Dieu est quelque chose de si intime que nous avons l’impression de nous mettre à nu, et avons peur d’être ridicule ?

Et si nous étions un peu plus bienveillants envers les autres, et surtout envers nous-mêmes ? Notre Église est composée aujourd'hui majoritairement de professions intellectuelles. Nous sommes très exigeants, envers nous-mêmes et envers les autres. Si nous nous osions passer d’une culture du contrôle, qui fait de l’exigence une barre à franchir et développe la peur de ne pas y arriver, à une culture de l’encouragement, qui fait de l’exigence un tremplin ou une échelle à plusieurs barreaux ?

Passer d’une culture du contrôle à une culture de l’encouragement demande de voir le potentiel de toute personne, sa richesse, et non pas sa capacité à être formatée comme nous voudrions qu’elle soit.
Cela demande un peu d’autodiscipline pour faire taire en nous cette petite voix toujours critique. Cela demande surtout de faire place à l’autre, accepter son point de vue, apprendre de lui quels sont ses freins et ses tremplins. Cela demande écoute et attention. Cela demande de prendre le temps de comprendre ce qui est pour lui une occasion de chute. 

Passer d’une culture du contrôle à une culture de l’encouragement signifie aussi sortir des logiques de représentation et d’appareils. Nous n’avons pas à être ceci ou cela, nous n’avons pas à défendre l’identité réformée ou luthérienne ou un courant théologique, nous avons à être témoins de l’Évangile de Jésus-Christ dans ce monde. Et si cela passe par changer toute la disposition du temple ou remettre en cause tous les « On a toujours fait comme ça », allons-y ! Ce qui est au centre, ce ne sont pas nos habitudes, c’est celui dont nous témoignons, celui qui est vivant au milieu de nous et dont les gens autour de nous ont désespérément besoin.

3.     « Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie »
Comment remettre ce qui est central au centre de notre vie d’Église, et non plus les exigences de la gestion courante, comme nous le vivons trop souvent ?Là encore, Paul nous donne quelques pistes : « le Royaume de Dieu est justice, paix et joie ». Justice, paix et joie… N’est-ce pas justement ce dont notre société manque cruellement ?

La Bible est pleine d’histoires de gens à qui Dieu rend justice, donne paix et joie. Retrouvons ces grands témoins, mettons-nous à leur écoute. Proposons leur témoignage à la société autour de nous. Proposons leur force d’interpellation, leur force d’encouragement, leur force existentielle. La Bible, lorsqu’elle est vraiment ouverte, peut souffler un grand vent existentiel, relever et changer des vies, remettre des existences consacrées à des futilités sur le chemin de l’essentiel. Elle peut changer des sociétés tout entières.

Mais pour cela, la Bible doit être un outil de rencontre et non un outil de combat. Une colonne vertébrale, et non une cuirasse. Lisons-là ensemble, plutôt que de cherche à imposer chacun notre propre théologie. Discernons les traces de Dieu dans nos vies et dans celles de nos frères et sœurs, voyons la force et la beauté de ce qu’il fait naître en elles, en eux, voyons comment la Bible leur parle, à chacun d’une façon complémentaire. Voyons la cohérence de chaque cheminement. Entendons l’Évangile tel que vécu dans la vie des autres comme un poil à gratter pour la nôtre, comme une fraicheur nouvelle. Encore une fois, Paul nous appelle à la bienveillance et à l’encouragement.

Osons dire notre rencontre avec Dieu, notre cheminement, notre expérience personnelle. Osons recevoir celle des autres. Osons recevoir aussi les questionnements et les épreuves de ceux qui nous entourent et qui ne franchiront pas les portes du temple d’eux-mêmes. Que faudrait-il changer pour qu’ils se sentent invités à le faire ? Et nous, comment pourrions-nous dépoussiérer la Bible qui trône dans le temple pour la faire sortir dans la rue et rencontrer les gens de toute la communauté humaine ? A vous de le discerner, à vous de l’imaginer, à vous de le rêver !

Posons des actes symboliques, organisons des activités et des manières d’être l’Église qui travaillent à plus de justice pour les gens qui sont autour de nous, qui construisent la paix, y compris la paix intérieure, qui redonnent de la joie. Vivons avec eux pour rayonner au milieu d’eux de cette justesse dans les relations, de cette paix et de cette joie que nous donne notre relation à Dieu…

Ce que je vous dis reste des généralités, je le sais… Je ne peux pas déterminer pour vous à quel témoignage Dieu vous appelle dans votre contexte. Je ne sais pas quels sont les besoins des gens qui vivent autour de et avec vous, et quels sont les talents et les envies des membres de votre communauté… Mais je sais ce dont notre Dieu est capable, et s’il nous a donné un chemin, un horizon et des frères et sœurs pour parcourir l’un en direction de l’autre, c’est qu’il croit en nous et qu’il a de grands projets pour nous !

Prière :
« Le Royaume de Dieu est justice, paix et joie ».
Seigneur, aide-nous à vivre notre vie d’Église autour de ces trois mots.
Aide-nous à articuler notre témoignage de foi auprès de nos contemporains autour de ces trois mots.
Aide-nous à refuser de nous mettre en surplomb d’eux et à nous mettre à leur hauteur, pour construire avec eux ton Église.
Aide-nous à refuser de nous lamenter sur ceux qui ne sont pas là et à nous réjouir avec ceux qui sont là.
Aide-nous à ne pas nous contenter de formules ou de méthodes toutes faites et à être tes témoins pour rencontrer en vérité, avec notre vulnérabilité, celles et ceux que tu mets sur notre chemin.
Trace pour nous des perspectives, donne-nous ton Esprit pour que nous marchions sur le chemin que tu traces pour nous.
Aide-nous à discerner les nouveaux modes d’être Église auxquels tu nous appelles ; aide-nous à discerner auprès de qui tu nous appelles à nous tenir pour faire connaitre ta bonne nouvelle.
Aide-nous à nous réjouir avec toi, pour que ton Évangile soit toujours Bonne nouvelle, annonce de Justice, de paix et de joie.

Claire Sixt Gateuille

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