(c) F Dermaut, "Carnets de St Jacques de Compostelle" |
Ces deux derniers week-end, j'ai assuré l'aumônerie de deux synodes régionaux. Je leur ai proposé de cheminer pendant 3 jours avec les textes de l'Evangile de Matthieu. Je partagerai ici dans les jours et semaines à venir des extraits de ce cheminement sur les routes matthéennes. En voici la première partie :
L’Évangile de Matthieu est traversé de chemins : le chemin des disciples à la suite de Jésus, mais aussi le chemin qui fait passer de l’ancienne alliance à la nouvelle, le chemin de Jésus vers la croix et celui des disciples vers la Galilée après la résurrection. Il se finit par l’envoi à marcher, à aller… faire des disciples dans le monde entier.
Le verbe grec poreuomai, qui signifie marcher, aller, se retrouve 30 fois dans l’Évangile de Matthieu (seul Luc le bat avec 50 occurrences) et le verbe peripateô qui signifie marcher autour, circuler, s’y trouve 7 fois. Pourtant, à première vue, Matthieu est plutôt l’évangéliste « conservateur », celui qui veut garder la centralité de la loi, celui qui n’est pas prêt à abandonner la tradition juive, on dirait aujourd’hui celui qui semble le moins prêt à bouger… Mais ce n’est qu’une première impression. Car s’il garde la tradition, il la réinterprète complètement de l’intérieur, il lui donne une autre finalité, et il affirme que le salut se fait désormais par d’autres moyens ceux de l’ancienne alliance. Il veut accompagner les judéo-chrétiens sur la voie du changement, dans un changement de perspective, et tout cela prend du temps, du temps pour les accompagner dans le changement, sur ce chemin nouveau. Matthieu fait donc cheminer ses lecteurs tout comme Jésus chemine et fait cheminer ses disciples.
C’est en marchant que Jésus repère les premiers disciples, c’est toujours en marchant qu’il va former leur communauté, les enseigner, créer un vécu commun et une vision commune. En chemin, il va les dérouter, déplacer leur façon de voir son ministère, remettre en cause leurs certitudes ; il va surtout leur faire expérimenter que la foi est en chemin, qu’elle n’est ni figée ni construite une fois pour toute, mais qu’elle chemine avec le temps et les rencontres…
Le texte de Mt 4.18-22 se situe à l'aube du chemin de Jésus (et à l’aube de ce synode) et raconte l’appel des premiers disciples. D’ailleurs, le texte ne les appelle pas encore « disciples », cela viendra avec l’enseignement qu’ils recevront en chemin ; mais pour l’instant, nous sommes face à des hommes, à qui Jésus demande de le suivre, de l’accompagner, de se mettre à sa suite… l’étymologie du verbe grec utilisé ici (akoloutheô) évoque à la fois une voie et un guide à suivre. Lorsque Jésus appelle ses disciples, il leur propose de marcher avec lui.
Pour connaître Dieu, pour le rencontrer vraiment, intimement, il faut marcher avec lui. C’est ce qu’il propose à Abraham, aux Hébreux dans le désert, aux disciples par Jésus ; c’est ce qu’il nous propose toujours à nouveau, à nous individuellement et collectivement, en Église. La vie d’Église est une forme de « pèlerinage », un cheminement au long cours dont l’important n’est pas tant le but, même s’il est essentiel parce qu’il donne la vision et la direction, mais bien le chemin, car là se joue l’expérience de la foi, celle qui nous travaille, celle qui creuse en nous un espace pour accueillir le Christ ressuscité au milieu de nous.
Claire Sixt Gateuille
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