La devise de la réflexion sur la révision globale de l'UCC |
C'est en tout cas la question que l’Église unie du Canada (UCC pour United Church of Canada) s'est posée pour faire face à la baisse de ses finances, mais aussi au constat que ses structures actuelles n'étaient plus adaptées à certaines réalités de l’Église. En 2012, le Conseil général (l'équivalent de notre synode national, mais qui n'a lieu que tous les 3 ans) a créé un groupe de travail, qui a auditionné de nombreuses Églises locales et initiatives nouvelles, a étudié la vision et la situation de l'UCC, a consulté les consistoires aux étapes intermédiaires de sa réflexion et a émis en mars dernier des recommandations, qui seront mises au vote au prochain Conseil général qui commence le 8 août prochain.
Je n'ai jamais visité cette Église-sœur, mais je lis avec intérêt la revue œcuménique francophone "Aujourd'hui Credo" qu'elle édite, et particulièrement les articles liés à cette "révision globale" dans laquelle l'UCC c'est engagée. Ne la connaissant pas bien, je ne tenterai pas ici une analyse de la nouvelle structure proposée en remplacement de l'ancienne, de ses avantages ou inconvénients, d'autant plus que je ne lis dans cette revue que le(s) point(s) de vue francophone(s), alors que l'UCC est majoritairement anglophone.
Ce qui m'intéresse, ce sont les questions de fond et les priorités qui émergent des recommandations (on peut trouver les documents ici, sur le site de l’Église unie du Canada). Une grande partie du document "recommandations" (qui fait 3 pages) porte sur la restructuration, mais il ne commence pas par cet aspect, et cela me semble essentiel. Le document commence par deux choses : une affirmation de confiance et un appel au discernement.
Une affirmation de confiance
Le document commence par "Nous croyons que Dieu....". Il ne s'agit pas d'abord de changer des structures, mais de chercher la volonté de Dieu pour cette Église, dans son contexte. Cela permet d'envisager la restructuration sous un autre œil : non pas la fatalité de la réduction budgétaire, mais une plus grande souplesse, une structure plus légère qui permette plus d'innovation, une nouvelle liberté d'entreprendre.
L'idée est de se débarrasser des lourdeurs administratives, pas de toute administration ! Comme le dit Cathy Hamilton, membre du groupe de travail sur la révision globale : "Ce qu'il faut, c'est moins de contrôle, moins de supervision, moins de structures et plus de soutien. Tout le monde est d'accord que les communautés de foi sont les mieux placées pour faire la mission de Dieu dans leur voisinage, elles savent ce qu'elles doivent faire. Il faut donc leur donner plus de liberté et de souplesse." Et cette perspective est soutenue par la première recommandation, intitulée "Discerner l'Esprit".
L'idée est de se débarrasser des lourdeurs administratives, pas de toute administration ! Comme le dit Cathy Hamilton, membre du groupe de travail sur la révision globale : "Ce qu'il faut, c'est moins de contrôle, moins de supervision, moins de structures et plus de soutien. Tout le monde est d'accord que les communautés de foi sont les mieux placées pour faire la mission de Dieu dans leur voisinage, elles savent ce qu'elles doivent faire. Il faut donc leur donner plus de liberté et de souplesse." Et cette perspective est soutenue par la première recommandation, intitulée "Discerner l'Esprit".
Discerner l'Esprit
L'appel au discernement se fait de plusieurs manières :
- le discernement de Dieu à l’œuvre dans les évolutions qui touchent les Églises aujourd'hui. La modification du paysage ecclésial peut alors cesser d'être vu comme un échec des croyants, mais comme une opportunité de changement (j'ai entendu dire un jour qu'il n'y avait que deux choses qui permettaient de changer en profondeur : le désir et la contrainte), une chance que Dieu nous offre.
- le discernement des délégués par rapport aux recommandations proposées, qui seront soumises au vote lors du prochain Conseil général.
- le discernement des délégués par rapport aux recommandations proposées, qui seront soumises au vote lors du prochain Conseil général.
- le discernement des Églises locales pour qu'elles entendent l'appel de Dieu dans leur réalité locale. Cela peut être un appel à mettre de nouveaux ministères en œuvre, à essayer de nouvelles choses ou à alléger la structure pour ne pas passer son temps et son énergie à l'entretenir (bâtiments, organisation, activités, etc.). En gros, donner la priorité non à l'existant, mais à ce que Dieu leur faire émerger de nouveau et à la proclamation de l’Évangile.
- le discernement n'est pas que spirituel, il a aussi des conséquences très pratiques. C'est pour assumer ces conséquences qu'il est proposé d'investir chaque année à hauteur de 10% du fond Mission et service (qui couvre les mêmes missions que nos titres A+D : formation [laïcs et ministres], soutien aux ministères [idem], gouvernance, mission à l'international, engagement dans la société) pour la transformation et la création de ministères (nous dirions "de nouvelles formes d’Église", les ministères laïcs étant très souvent mentionnés dans les documents du groupe de travail, et le terme "ministère" étant utilisé plus souplement que dans l'EPUdF, où il désigne d'ordinaire les ministres du culte : pasteurs, aumôniers, etc.).
Permettre la représentation de l'informel dans le structurel
Permettre la représentation de l'informel dans le structurel
Jusqu'à présent, seules les paroisses structurées de manière traditionnelle (conseil de paroisse, pasteur, bâtiments, etc.) étaient représentées dans les instances consistoriales et nationales. Dans la nouvelle proposition, on ne parle plus de paroisses, mais de "communautés de foi". Ce qui veut dire qu'un groupe moins structuré mais se réunissant régulièrement (type "fresh expression" ou groupe de maison dans les lieux non desservis par des formes traditionnelles d’Église) pourra être représenté aux niveaux supérieurs, y compris lors du Conseil général (// synode national dans l'EPUdF). C'est une façon de faire entrer l’Église émergente et les nouvelles formes d’Église dans le processus de représentation et donc la synodalité de l’Église. Si cette disposition est adoptée et adaptée au Québec, il sera intéressant pour nous de voir comme elle marche et éventuellement nous en inspirer...
Un autre aspect du renforcement de l'informel est l'accent mis sur le travail en réseaux, par thèmes et par intérêts, en complément du réseau de proximité. Ce travail en réseaux ne serait pas (forcément) porté par les régions et serait plutôt un lieu de partage, d'innovations et de stimulation qu'une instance décisionnelle.
Un autre aspect du renforcement de l'informel est l'accent mis sur le travail en réseaux, par thèmes et par intérêts, en complément du réseau de proximité. Ce travail en réseaux ne serait pas (forcément) porté par les régions et serait plutôt un lieu de partage, d'innovations et de stimulation qu'une instance décisionnelle.
Les enjeux du multilinguisme
Le point de vue du Consistoire du Laurentien (francophone) était assez négatif à l'automne sur les premiers éléments sur lesquels il a été consulté. Certains changements ont été apportés depuis, mais il me semble que la grande question est celle de la représentation du courant francophone (ultraminoritaire dans l’Église), puisque les Églises francophones sont peu nombreuses et que la remise en cause du niveau consistorial risque de les pénaliser. D'autant que les communautés autochtones sont, elles, explicitement mentionnées dans le document qui insiste sur l'importance du travail fait avec elles.
On peut aussi voir dans cette résistance une peur d'y perdre en solidarité : les ministères en français ont besoin d'un soutien financier, et la révision pourrait apporter la baisse de ce soutien, car les communautés les plus petites n'ayant plus les moyens de payer leur pasteur seront invitées à s'organiser autrement pour se maintenir sans pasteur. Mais Cathy Hamilton rappelle que les paroisses francophones sont aussi des lieux d'innovation, des lieux où la transition se fait, et donc des lieux qui pourraient être soutenus par le fond Mission et service.
On peut aussi voir dans cette résistance une peur d'y perdre en solidarité : les ministères en français ont besoin d'un soutien financier, et la révision pourrait apporter la baisse de ce soutien, car les communautés les plus petites n'ayant plus les moyens de payer leur pasteur seront invitées à s'organiser autrement pour se maintenir sans pasteur. Mais Cathy Hamilton rappelle que les paroisses francophones sont aussi des lieux d'innovation, des lieux où la transition se fait, et donc des lieux qui pourraient être soutenus par le fond Mission et service.
Mais il me semble que les tensions viennent en partie d'une question culturelle. La culture française (et en bonne partie la culture francophone) donne beaucoup d'importance aux concepts, aux structures et au contrôle collégial. Le mot "communauté" n'y résonne donc pas de la même façon qu'en contexte anglophone, qui lui base plus sa vie collective sur l'initiative individuelle, les affinités et les opportunités, la mentalité étant plus "pragmatique". Ce n'est pas pour rien qu'il est si difficile de traduire en français le terme "leadership" par exemple, comme il est difficile de traduire en anglais le terme "direction"... Or le projet présenté mise sur l'initiative individuelle et l'émergence de "leaders". Le canada francophone aura donc à faire le même effort de traduction culturelle que celui que nous sommes en train de faire en réfléchissant sur l'adaptation des fresh expressions en contexte français...
En tout cas, c'est une entreprise courageuse, nécessaire et nous pouvons en appeler à l'Esprit pour qu'il guide les délégués au Conseil général cet été lors des débats et des décisions et ensuite, les communautés pour la mise en œuvre des changements adoptés (idées de prière : ici).
Post-scriptum
Pendant que je parle de l’Église unie du Canada, je vous invite à faire un petit tour sur leur site pour y découvrir leur campagne Décolonisez vos achats, qui appelle les membres de l’Église à ne pas acheter de produits fabriqués dans les colonies de peuplement en Israël/Palestine et à en parler autour d'eux. Ils proposent aussi un argumentaire en vidéos.
En tout cas, c'est une entreprise courageuse, nécessaire et nous pouvons en appeler à l'Esprit pour qu'il guide les délégués au Conseil général cet été lors des débats et des décisions et ensuite, les communautés pour la mise en œuvre des changements adoptés (idées de prière : ici).
Post-scriptum
Pendant que je parle de l’Église unie du Canada, je vous invite à faire un petit tour sur leur site pour y découvrir leur campagne Décolonisez vos achats, qui appelle les membres de l’Église à ne pas acheter de produits fabriqués dans les colonies de peuplement en Israël/Palestine et à en parler autour d'eux. Ils proposent aussi un argumentaire en vidéos.
Claire Sixt Gateuille