lundi 22 septembre 2014

Sécularisation et identité


Je retranscris ici l'interview que Sabina Baral et Alberto Corsino ont fait avec moi le 26 août pour le site internet de l’Église vaudoise et le journal italien Riforma.Celui-ci a été publié en italien - cliquer ici pour le trouver en version originale - mais avait été mené en français, aussi l'ai-je parfois complété sur la base de l'enregistrement audio. Voici la première partie, la seconde viendra demain.

"Nous rencontrons la pasteure Claire Sixt-Gateuille qui, depuis un an, assure la charge de responsable des relations internationales de l’Église protestante unie de France. Avec elle, nous tentons/essayons de faire le point sur quelques questions qui concernent le débat œcuménique international mais aussi la vie culturelle et spirituelle de nos Églises.

Le 26 août 2014 à Torre Pellice (c) Riforma
SB : Selon vous, sommes-nous encore dans une phase de sécularisation ou nous trouvons-nous dans la post-sécularisation ? Y a-t-il aujourd’hui un renouveau dans la recherche de Dieu ou plus généralement un nouveau besoin de religion ? Les deux choses ne me paraissent pas équivalentes.

CSG : En Italie, on assiste encore à une sécularisation qui est une réaction à la présence très forte de l’Église catholique dans le passé. En France, nous nous trouvons clairement en situation de post-sécularisation, c’est-à-dire le moment où la plupart des gens n’ont plus de culture biblique et théologique, depuis parfois deux générations. Souvent, ce sont les grands-parents qui sont sortis de l’Église. Aujourd’hui, la première chose que les professeurs d’Arts demandent à leurs élèves de lire la Bible car elle reste fondamentale pour comprendre l’art et la culture. Même le fondamentalisme intégriste est une preuve de ce climat post-séculier : c’est une caricature de religion, une religion prêt-à-porter.

Aujourd’hui, les gens ont besoin de sens. Ils peuvent le trouver dans la religion, mais pas forcément. A mon avis, le besoin de religion relève plus d’un besoin de sécurité, d’être rassuré. Mais ce n’est vraiment pas la meilleure façon d’aborder la religion ; pour moi, l’approche de celle-ci doit commencer par la foi, sinon elle reste quelque chose d’extérieur, de « plaqué » sur la réalité des gens, pas quelque chose qui donne du sens. l’Église peut être une réponse au besoin de sens et de relations, en tant que communauté qui leur parle de Dieu, qui les aide à rencontrer Dieu, à commencer une relation avec lui. La Bible et le vocabulaire théologique sont aussi des propositions de sens qui peuvent parler aux personnes en recherche.

Il y a de vraies pathologies, des névroses de la foi : La lecture de la Bible et une prière libre devant Dieu permettent de se libérer des mauvaises compréhensions de Dieu qui viennent de nos projections ; pour cela, il y a un grand travail pastoral et de cure d’âme à faire par les Églises locales pour accompagner les gens.

SB : quand nous imaginons nos Églises de demain, leur structure et leurs stratégies, devons-nous tenir plus compte de leur histoire et de leur identité ou plus des personnes que nous voulons rejoindre par notre témoignage ?

prophète (c) CSG
CSG : les Églises ont leur identité, faite d’habitudes, de rites. Il y a diverses façons de louer Dieu et des diversités liturgiques, y compris d'une communauté locale à l'autre. Mais est-ce vraiment cela l’identité d’une Église ? Pour moi, l’identité se fonde sur le fait d’être une communauté constituée d’enfants de Dieu, qui se nourrissent de sa Parole. Si l’Église a une identité, celle-ci réside dans l’Evangile. Il s’agit avant tout d’avoir foi en Dieu plus qu’en nos propres habitudes. En Italie, vous avez le processus de « Essere Chiesa insieme », être Église ensemble, pour vous aider à cela avec les personnes issues de la migration.

Être confronté à l’autre avec sa différence, l’étranger ou celui qui a d’autres pratiques ecclésiales, est toujours insécurisant. C’est pour cela que j’insiste toujours sur la foi et la relation personnelle à Dieu qui permet de mettre notre confiance en Dieu et non pas dans nos habitudes. Ce n’est pas facile, mais cela nous aide à prendre de la distance, à comprendre pourquoi l’autre fait ou réagit ainsi, mais aussi pourquoi est-ce que nous-même(s), nous avons pris telle ou telle habitude. Cette démarche peut être très déstabilisante pour les communautés qui sont soudées par leurs habitudes, cela nécessite beaucoup de dialogue, au sein du conseil presbytéral et dans la communauté. Le pasteur ne peut pas accompagner cette démarche tout seul. Le conseil doit également être représentatif des différentes tendances, des différents de la communauté.

Le 26 août 2014, Torre Pellice (Italie)

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