mercredi 4 mars 2015

Nationalisme, bon ou mauvais ?

Assembly Building à Belfast (c) CSG
La rencontre de la région Europe de la Communion mondiale des Églises réformées (CMER) a eu lieu à Belfast, les 19-20 février dernier.

Cette rencontre d'une quarantaine de participants a permis de découvrir la réalité de l’Église presbytérienne d'Irlande, de partager des nouvelles des différentes Églises, leurs difficultés et leurs dynamiques, et d'aborder un thème qui aurait mérité bien plus que la demi-journée que nous y avons consacré : "théologie et nationalisme en Europe".

Presbyterian Church of Irland
l'Eglise presbytérienne d'Irlande couvre l'Irlande du Nord et l'Eire, elle compte environ 550 paroisses et 400 pasteurs. Elle a actuellement plus de candidats au ministère qu'elle ne peut en payer... Mais la sécularisation est en Irlande, comme ailleurs, en forte croissance. Les communautés confessionnelles qui étaient des lieux de refuge pendant le conflit en Irlande du Nord sont maintenant affaiblies par le départ de ceux qui y venaient sans y être vraiment engagés. Mais le conflit a laissé des traces, les gens cohabitant sans qu'il y ait vraiment de rencontre. Par exemple les nouveaux quartiers qui se sont construit après le conflit gardent une séparation très marquée entre "quartiers protestants" et "quartiers catholiques"...

Ce qui est encourageant, c'est que le déclin s'accompagne d'une volonté de la part des Églises locales d'être plus fidèles à l’Évangile, plus actifs dans le service et le témoignage. Cela entraîne une dynamique de renouveau dans un certain nombre de lieux.

Les projets en cours
Cette rencontre a été également un temps pour partager sur tout ce qui se prépare actuellement, en particulier les projets pour 2017 à Wittemberg et au niveau du réseau des cités européennes de la Réforme (mis en place par la Communion des Eglises protestantes en Europe), et avec l'idée d'un Kirchentag européen qui est en train de se mettre en place.

La présence de Christ Ferguson, nouveau secrétaire général de la CMER, a permis à celui-ci de se présenter et d'aborder les réalisations de 2014, dont l'Institut théologique mondial qui a réuni 50 jeunes pour une formation d'un mois à l'été 2014 et la consultation pour les 10 ans de la confession d'Accra, et les perspectives pour 2015. 

Identité nationale, identité européenne et le rôle des Églises réformées
Doug Gay, Trinity College de Glasgow
Tel était le sous-titre de l'intervention de Doug Gay, théologien écossais ayant beaucoup travaillé le thème du nationalisme, qui était notre intervenant. Il a commencé par nous interroger : le nationalisme est-il forcément mauvais ? Oui, si l'on présuppose un déficit éthique (le nationalisme comme forme de "supériorité") ; Non, si on le comprend comme l'attachement à la nation (définition neutre) et qu'on le distingue de ses dérives violentes, xénophobes ou excluantes.

Pour Doug Gay, l'opposition théologique forte au nationalisme développée contre le fascisme et le nazisme dans les années 30-40 est restée très ancrée dans nos cultures européennes, alors que la quête d'identité qui travaille nos contemporains pose aussi la question de l'identité nationale. Mais aujourd'hui, évacuer simplement le nationalisme comme quelque chose de mal nous empêche de le voir comme une réalité humaine ambiguë, comme toutes les réalités humaine, avec ses risques mais aussi son potentiel mobilisateur fort. Travailler de l'intérieur le nationalisme, pour l'irriguer théologiquement, c'est selon Doug Gay discipliner (dans le sens de "rendre disciple") ce vecteur fort d'identité pour le rendre humble, respectueux des autres, critiquer et désamorcer les "identités nationales toxiques" et permettre une coexistence pacifique.

Il a enfin proposé des critères d'évaluation du nationalisme, selon la place qu'il fait aux autres (immigrants par exemples), selon son acceptation des narrations universelles (les droits de l'homme, par exemple), selon la place qu'il fait à l'amour du prochain... En tout cas, il m'a donné envie de lire son livre Honey from the lion, Christianity and the ethics of nationalism, écrit dans le contexte du débat écossais sur l'indépendance du pays.

Bien sûr, son intervention a résonné fortement avec mes lectures actuelles du philosophe Michael Walzer et comment il traite la question de l'articulation entre appartenance à un groupe (religieux ou culturel, communautaire) et appartenance à un pays, articulation pensée différemment selon qu'on est dans un état-nation, comme la France et la plupart des états d'Europe, ou dans une société d'immigration comme aux Etats-Unis. Walzer propose que l'état soutienne les groupes "communautaires" qui choisissent de jouer le jeu de la démocratie et proposent une identité ouverte à leurs membres. Et il rappelle que la société civile est un lieu de coexistence pour ces groupes. On est loin de la position intégratrice de la France, parfois défendue avec des accents autoritaires depuis les attentats du 7 janvier...

Bref, cette question est d'autant plus d'actualité avec la montée de nationalismes populistes en Europe et le départ de jeunes européens pour le djihad au Moyen-Orient. 

Claire Sixt Gateuille

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