Croix à Busan (c) Dina Rajohns |
Le "patrimoine monastique" comme source d'inspiration
La spiritualité monastique recèle des trésors qui peuvent encore parler à nos contemporains. J'en veux pour preuve le développement d'activités qui s'appuient sur des traditions spirituelles nées dans des monastères (exercices ignaciens, lectio divina, contemplation ou adoration, prière des heures, etc.) ou même des lieux de vie communautaire (comme le séminaire de Finkenwalde que Bonhoeffer a dirigé et dont l'expérience lui a inspiré le livre De la Vie communautaire).
Je vois poindre deux types de nouvelles pratiques, liées aux deux types de monachisme :
- le monachisme érémitique, qui met en avant le retrait pour se consacrer à Dieu, inspire plutôt le phénomène des retraites spirituelles, aujourd'hui en plein essor. On peut d'ailleurs noter que les retraites spirituelles aujourd'hui sont loin d'être toutes organisées par les Églises ou les ordres monastiques institués.
- le monachisme cénobite, qui met en avant la vie communautaire sous le regard de Dieu, inspire plutôt le phénomène de formations de petits groupes qui se retrouvent régulièrement pour se soutenir dans la prière, l'écoute réciproque et le partage sur le quotidien, l'encouragement mutuel à être fidèles à Dieu (selon une vision de cette fidélité qui est à la base de la formation du groupe). On peut trouver là des groupes de maison, des communautés nouvelles, des fresh expressions of Church... et des groupes plus informels qui ne sont soutenus par aucune institution.
La spiritualité comme "épaisseur de la vie"
Comment marier aujourd'hui rythme de vie trépidant (en particulier quand on a des enfants), profession épanouissante mais chronophage et besoin d'une spiritualité profonde et nourrissante ?
On ne veut plus aujourd'hui choisir
entre vivre sa foi pleinement et vivre dans le monde. Entre autres car
le centre de nos préoccupations s'est déplacé de la vie éternelle vue
comme l'au-delà à la vie en plénitude, offerte dès aujourd'hui, dans laquelle la foi donne sens, profondeur, densité, "épaisseur" à nos vies.
La
communion avec Jésus-Christ ne se vit plus (ou rarement) sur le mode de la souffrance
ici pour avoir la plénitude après (comme Jésus-Christ, fils du Dieu
incarné, a vécu son chemin de croix sur la terre avant de connaître la gloire dans
le ciel, selon cette logique) ni sur le mode de la "performance spirituelle" qui essaierait de nous détacher des réalités du monde, soit par la privation (ascétisme) soit par l'élévation dans une connaissance supérieure (gnostique).
Elle se vit plutôt sur le mode d'une "résistance à la
réalité" où la foi affirme la présence continue du Christ à nos côtés
malgré son absence apparente ; cette présence est manifestée de façon très diverse
suivant les traditions spirituelles ou confessionnelles (par du ressenti
ou par l'engagement des chrétiens dans le monde, sous forme
d'émotion, de rite(s), de paroles qui changent notre regard sur le
monde, de gestes prophétiques, d'attitudes ou "fruits de l'esprit",
etc.). Cette résistance à la réalité, qui risque de s'émousser face à l'expérience du quotidien, a besoin d'être entretenue, soit par temps forts, soit par petites touches.
De l'ermite au retraitant
Alors, comment marier vie dans le monde et spiritualité profonde ? La première réponse, la plus répandue chez les jeunes, est la suivante : en prenant du temps pour soi, non pas un petit peu chaque jour mais à haute dose, de façon concentrée dans le temps, lors de voyages ou de séjours dans des lieux retirés et/ou pour des temps mis à part (déserts, monastères, rencontres de fraternité spirituelle ou temps forts chrétiens) entre 1 et 6 fois par an. Une occasion aussi parfois de faire le point sur sa vie, tout en se ressourçant. Retrouver du sens, du souffle et éventuellement se poser la question : est-ce que ce que je vis est vraiment ce à quoi je suis appelé(e), suis-je sur la bonne voie ? C'est pourquoi, il me semble, le phénomène des retraites spirituelles se développe depuis une trentaine d'années.
En passant, je voudrais vous parler d'une belle initiative du Forum œcuménique des femmes chrétiennes européennes. Elles organisent cet été pour la deuxième fois, du 8 au 21 aout, à Hanovre, un "monastère éphémère" pour des femmes de toutes générations et de toutes origines. Un temps de retraite qui comprendra des temps de cheminement (pilgrimage), de cuisine, de travaux manuels, de jardinage, des ateliers, de la musique, des temps de silence, des temps de prière... Bref, un temps à vivre (sur 1 ou 2 semaines, au choix) de façon œcuménique et multiculturelle.
Pour plus d'information : http://popupmonastery.com/
Pour plus d'information : http://popupmonastery.com/
Du monastère à l’Église de maison
(c) Joanna Linden-Montes pour le COE |
Les plus durables sont ceux qui élaborent explicitement une vision du mode de vie vers lequel ils veulent tendre, de la spiritualité sur laquelle ils s'appuient, de l'appel qu'ils ont collectivement reçu de Dieu. Certains établissent une règle, d'autres fixent un ensemble de pratiques ou listent des valeurs qu'ils veulent mettre en pratique. Cet engagement commun sert de gouvernail au groupe et donne la direction. D'autres s'engagent simplement sur un rythme de rencontres.
Certaines Fresh expressions se réfèrent à l'idée de nouveau monachisme (new monasticism), voir le témoignage (en anglais) de Marc Berry ou les différents exemples proposés par le site des Fresh expressions.
Il existe bien sûr des solutions qui mixent ces deux solutions, comme les fraternités appelant à une pratique spirituelle régulière (souvent individuelle) nourrie de rencontres communautaires régulières et de retraites (la Fraternité des veilleurs en est un exemple). Il existe aussi des communautés de vie, reconnues ou non par les institutions ecclésiales, mais celles-ci feront l'objet d'un autre billet...
Claire Sixt Gateuille