jeudi 6 avril 2023

La Concorde de Leuenberg : se déclarer en communion ecclésiale


Il y a 50 ans, la Concorde de Leuenberg établissait la pleine communion ecclésiale entre un certain nombre d’Églises luthériennes et réformées en Europe (et quelques-unes en Amérique du Sud, liées historiquement à des Églises Européennes), posant les bases de ce qui est désormais la Communion d’Églises protestantes en Europe (CEPE).

Ce document comporte quatre parties :
1.    Dans le premier chapitre en forme d’introduction, la Concorde déroule et prend acte des discussions théologiques qui l’ont précédée depuis la Réforme, qui ont amené les protestants à assouplir leur rapport aux confessions de foi, et des entretiens doctrinaux des années précédentes qui ont établi que les églises participant à la discussion ont une compréhension commune de l’Évangile. Suivant l’ecclésiologie luthérienne comme réformée, l’Église est là où l’Évangile est fidèlement prêché et les sacrements droitement administrés (Confession d’Augsbourg 7, Institution de la Religion chrétienne de Calvin). Une compréhension commune de l’Évangile est donc la condition « nécessaire et suffisante » (notwendig und ausreichend) pour que des Églises luthériennes et réformées se déclarent en pleine communion et se reconnaissent mutuellement comme pleinement membre de l’unique Église du Christ. Cette condition est désormais remplie.

2.    Le deuxième chapitre présente un concentré de cette compréhension commune de l’Évangile. Elle se centre sur la justification par la foi, « message de la libre grâce de Dieu ». En quelques points, elle articule promesse au peuple élu, Jésus-Christ incarné, crucifié et ressuscité, eschatologie, conversion, service responsable, ancrage dans la continuité de l’Église ancienne. Elle aborde ensuite rapidement les éléments centraux de l’ecclésiologie protestante, centrée sur l’annonce de la Parole : prédication, baptême et cène.

3.    Le troisième chapitre « dépasse » les condamnations mutuelles entre les deux confessions. L’expression « lever les condamnations » parfois utilisée est impropre, puisque les Églises signataires reconnaissent plutôt que les condamnations du 16e siècle ne concernent plus ces Églises aujourd’hui, soit parce que leur doctrine a évolué (sur la prédestination, par exemple), soit parce qu’elles portaient en fait sur des malentendus, soit parce que les approches ou accents différents que l’autre utilise sont légitimes, le consensus sur ce thème étant plus important et plus fondamental que les différences qui subsistent (André Birmelé dit que le consensus fondamental « porte » les différences). Cette approche permet à la fois de prendre au sérieux l’enseignement des réformateurs (et donc les identités confessionnelles qui se sont construites dessus) mais aussi les résultats de la recherche théologique et à la fois de pouvoir dépasser ces condamnations mutuelles. Celles-ci portaient sur trois thématiques : la cène, la christologie et la prédestination.

4.    Le quatrième et dernier chapitre contient la déclaration de communion ecclésiale ainsi que des axes de développement pour sa réalisation. En effet, comme toute démarche œcuménique, la démarche d’établissement d’une communion ecclésiale se fait en plusieurs temps :

  1. Travail théologique préalable
  2. Réception institutionnelle : ici, la déclaration de communion ecclésiale (C'est donc le niveau où se place la Concorde de Leuenberg, qui est un document institutionnel, signé par chaque Église membre durant son synode ou dans le cadre de ses procédures de décisions propres)
  3. Réception ecclésiale, c'est-à-dire passage au crible du sensus fidei fidelium (ce discernement peut également résulter en une « non-réception » ou une réception partielle). Dans le cadre de l’établissement d’une communion ecclésiale comme ici, il s’agit de donner corps au lien nouveau qui lie les Églises signataires. Cette réception ecclésiale a donc une dimension ad intra, au sein même de la vie de ces Églises, et une dimension inter-ecclésiale.

Dans le prochain billet sur ce blog, nous parlerons des quatre axes proposés pour le développement de la communion ecclésiale et de ce processus de réception toujours en cours.

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