vendredi 29 octobre 2021

Rencontre à Bossey - jours 3 et 4

La rencontre des responsables de relations internationales et œcuméniques s'est terminée ce soir. Comment décrire le bien que cela m'a fait d'être durant quatre jours pleins en réunion de travail avec des gens en vrai... J'ai pourtant ce mois-ci été avec l'équipe et le conseil exécutif de la Cevaa à Montpellier pour y modérer l'assemblée virtuelle durant une semaine et le week-end dernier au Lazaret de Sète avec 200 personnes pour le synode de Sète. Mais je ne me lasse pas de m'émerveiller de la grâce qui m'est faite de retrouver la présence de collègues et les interactions humaines, malgré les masques et les gestes barrières.Même si l'on ne voit pas la bouche, les yeux parlent, les lignes d'épaule se haussent, se tendent ou se détendent, les dos se redressent ou s'avachissent imperceptiblement... et à table, les sourires et les rires se savourent d'autant plus qu'ils nous ont manqués. 

Cette rencontre aura été vraiment riche. Riche par les présentations des différents acteurs du Conseil œcuménique des Églises, mais aussi des expériences des uns et des autres, des temps de prière partagée, d'une complicité esquissée ou d'un projet qui surgit d'une simple discussion. 

CCIA

Mardi soir, nous avons découvert le travail de la Commission des Eglises sur les affaires internationales (CCIA). Plutôt que de survoler tout son travail, nous avons entendu trois exemples de son travail : en Israël-Palestine, en Afrique et auprès de l'ONU. En Israël-Palestine, le programme EAPPI, qui fait venir des observateurs internationaux pour des séjours de trois mois pour documenter les violation de droits humains, est suspendu depuis le début de la crise du Covid-19. Les violences envers les enfants dans les zones frontalières avec colonies israéliennes en Cisjordanie, qui avaient baissé d'un tiers grâce aux observateurs, sont remontées à leur niveau d'avant le programme ; les déplacements forcés se multiplient également actuellement. Le programme espère pouvoir reprendre bientôt, et l'idée est née que des personnes locales puissent aussi devenir des observateurs, Israéliens comme Palestiniens. En Afrique, le programme est centré sur le travail pour la paix, par la médiation, la réconciliation et la prévention de la violence. Le bureau auprès de l'ONU centre actuellement son travail sur 5 axes : les communautés indigènes, l'inter-religieux, les changements climatiques, le racisme et les Objectifs du Développement durable 2030. Son responsable a souligné l'importance du réseau mondial que représentent les Églises, qui permet d'être rapidement informé des problématiques que les populations rencontrent localement et d'interpeler tôt l'ONU en cas de besoin.  

Racisme

Mercredi, nous avons rencontré le responsable du programme sur le racisme, la responsable du Pèlerinage de justice et de paix, puis nous avons entendu des étudiants  nous parler de leur expérience de formation à Bossey et la responsable de l'implication des jeunes dans le COE. 

Le programme sur le racisme travaille la question à la fois sur le plan théologique, à partir de l'affirmation de l'Assemblée de Nairobi en 1975 que "Le racisme est un péché", sur le plan des comportements implicites à l'intérieur des Églises et sur le plan de l'intersectionnalité (la collusion de plusieurs formes de discriminations), en particulier la collusion entre le racisme et les luttes de pouvoir.

Pèlerinage de justice et de paix

Concernant le pèlerinage de justice et de paix, j'avais gardé de l'assemblée de Busan en 2013 l'impression que c'était surtout un élément de langage qui permettait de donner une direction de travail au staff du COE sans l'enfermer dans le cadre d'un programme trop fixé à l'avance, car dans un monde où tout bouge très vite il est compliqué de fixer un programme de travail définitif pour les huit ans à venir ! J'ai été heureuse d'apprendre qu'il s'agissait aussi d'une méthodologie, composée de visites mutuelles, de découvertes de contextes qui pouvaient vraiment changer le regards des uns sur les autres, en particulier des visiteurs sur leurs hôtes. Chaque année, ce programme s'est concentré sur une région du monde et un thème. Un document présentant cette méthodologie doit être présenté au prochain comité central (il est près depuis début 2020). 

Formation théologique à Bossey et jeunesse

De la rencontre avec les étudiants, je retiens que l'expérience de cohabitation entre jeunes du monde entier et de différentes confessions chrétiennes est aussi importante que le contenu de la formation. Que la formation est basée sur une triple approche : théologique, spirituelle et relationnelle, afin que chacune de ces dimensions informe et nourrisse les deux autres, ce qui peut amener à des changements profonds. Certains étudiants ont également témoigné qu'ils ont approfondi leur propre tradition - avec parfois le sentiment de se réconcilier avec elle - en rencontrant celle des autres. Ils nous ont également appelé à repenser la place des laïcs dans l’Église et l'importance du tutorat et de l'accompagnement entre génération et nous ont interpelé sur le mode "moins de structures, plus de vie !".

 Un document sur l'importance de la jeunesse dans le mouvement œcuménique, "Let the wave roar" sortira d'ici la fin de l'année et sera présenté sur le site du COE. Un rassemblement jeunesse œcuménique est prévu durant l'été 2022. 

Vendredi, nous avons rencontré des représentants de Foi et constitution, de l'éducation théologique œcuménique et des relations inter-religieuses. 

Foi et Constitution

Depuis 2015, la commission se concentre sur trois axes de travail : 

1. une théologie œcuménique pour le témoignage commun concernant le pluralisme religieux et la justice écologique ; 

2. une théologie œcuménique pour une meilleure compréhension et valorisation de ce qui tient les Églises ensemble dans leurs compréhensions respectives (et divergentes) de l'Église ; 

3. une théologie œcuménique pour une meilleure compréhension et valorisation de comment les Églises s’accordent ou s’opposent sur les questions d’éthique chrétienne. 

La Commission a également publié en deux tomes les réponses reçues des Églises au document "L'Église vers une vision commune" présenté en 2012, ainsi qu'une synthèse des questions soulevées en retour. 

Il y a de plus en plus de perplexité face à l'idée d'aller vers une Église une. Pour dépasser cela, il faut réduire l'écart entre les accords théologiques de plus en plus nombreux et profonds, et la pratique des Églises. Cela passe par l'œcuménisme de réception (receptive ecumenism) qui consiste à se laisser changer par l'autre. 


La commission a par ailleurs beaucoup travaillé sur le discernement moral. S'étant aperçu qu'on ne pouvait pas appliquer la méthode habituelle de recherche du consensus, elle a développé une nouvelle méthodologie, qu'elle présente dans l'ouvrage facilitating dialogue on moral discernment. Deux autres ouvrages en lien avec ce thème présentent l'un les approches confessionnelles et l'autre des exemples historique de changement de position sur les question morales et analyse ce qui s'est joué dans ces changements.

La rencontre s'est terminée par un échange sur comment nous, responsables des relations entre les Églises et le COE, pourrions renforcer cette relation, durant la préparation de l'assemblée de Karlsruhe et au delà.

(Photos et article de Claire Sixt Gateuille)

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