Valérie Mitrani, présidente de la région Ouest de l’Eglise protestante unie de France, a représenté l’Eglise protestante unie du 9 au 14 septembre à Sète, lors d’un séminaire organisé par la Cevaa sur la soumission mutuelle. Elle a accepté de partager avec moi ses impressions au retour.
CSG : Pouvez-vous me parler du thème de ce colloque et de
comment il a été abordé ?
Les participants au séminaire (c) Cevaa |
Valérie Mitrani : Nous avons travaillé sur la
« Soumission mutuelle », à partir des textes bibliques de Paul et des
épitres pastorales. L’animation biblique était vraiment de belle qualité. Notre
réflexion a aussi été nourrie par des intervenants.
J’ai retenu en particulier
deux interventions : un diplomate-théologien qui nous a parlé des rapports
entre politique et Églises et nous a interpelé sur le manque d’occasions, pour
les Églises, de s’interpeller les unes les autres, accepter d’être vues par les
autres ; et une autre intervention portait sur les modèles communautaires
que les croyants portent en eux (le rapport au pasteur, les références de ce
que doit être une Église, le rapport à l’autorité, etc.) et comment ces
différents modèles « frottent » entre eux dans une communauté marquée
par la diversité.
Nous avons eu aussi des partages en petits groupes et du
temps pour se rencontrer de façon plus informelle. Pour ce séminaire, nous
avons eu du temps (6 jours), et cela était précieux. Nous n’étions pas d’abord
là pour représenter notre Église, mais pour vivre ce temps ensemble. Les
échanges ont surtout parlé de la soumission mutuelle dans chacun des Églises, et moins de l’interpellation
entre Églises, même si cela a été évoqué ici et là.
J’ai principalement retenu quatre axes autour de ce
thème :
- D’où je parle
influence ma compréhension du thème
Par exemple, les sud-américains nous ont dit l’a priori négatif qu’ils ont face à la
formulation « soumission mutuelle ». Cela les renvoie à
l’autoritarisme, à leur passé marqué par la dictature… Pour les africains, ce
qui revenait plus souvent, c’est la question des rapports entre hommes et
femmes. Pour nous, européens, cela renvoie plutôt à l’aspect
communautaire : chacun est reconnu, et après ? Comment renforcer,
renouveler la communauté ?
- La soumission
mutuelle est la conscience d’être membres du corps du Christ
La soumission mutuelle est avant tout soumission au maître
qui s’est fait serviteur, Jésus-Christ. C’est une démarche aussi bien
spirituelle qu’intellectuelle. La soumission mutuelle n’est pas un choix d’être
gentil et de dire qu’on est tous égaux et qu’on a tous le droit de parler,
c’est la conscience d’être membres d’un même corps. Ce que je suis, je n’ai pas
à y renoncer. Mais je dois m’interroger : En quoi ce que je suis, je le suis
au service de l’autre ? En quoi ce que je suis « sert » à
l’autre ? Cela permet de faire communauté.
Ici, dans nos Églises européennes (en tout cas celles qui
sont membres de la Cevaa), les minorités sont reconnues, même s’il y a toujours
des améliorations à faire pour le vivre pleinement, chacun a sa place… mais
au-delà de la reconnaissance de la spécificité culturelle de chacun, la
question c’est « et après, on en fait quoi ? ». Comment être une
communauté et non une juxtaposition d’individus ?
- Jusqu’où la
soumission ?
séminaire Cevaa, septembre 2014 (c) Cevaa |
C’est une question qui est beaucoup apparue. En dialogue en
particulier, avec la démarche d’inculturation. Comment trouver le juste
équilibre entre l’adaptation du langage de l’Église à la culture dans laquelle
elle est présente et la force d’interpellation de l’Evangile ? Dans quelle
mesure faut-il s’adapter à la culture, dans quelle mesure faut-il être en
rupture ? D’un côté, on risque d’affaiblir la capacité de l’Evangile à
travailler les cultures de l’intérieur, de l’autre on risque de parler dans le
vide, de ne pas toucher les gens...
CSG : Cette question se pose aujourd’hui dans les
démarches qui cherchent à contextualiser l’Evangile dans les sous-cultures en
Europe, comme les Fresh expressions of
Church.
VM : Oui. Le 4e axe est celui de la gestion des crises.
Dans une situation de crise, pour pouvoir rappeler la
soumission mutuelle en Christ, il faut trouver quel est le point de départ de
la crise. Est-ce un affrontement Nord/Sud ? riches/pauvres ?
jeunes/vieux ? hommes/femmes ? Quel est le conflit de départ sur
lequel on doit travailler ?
CSG : qu’avez-vous tiré de ce séminaire, personnellement ou
pour l’Église dans laquelle vous servez ?
VM : Grâce à ce séminaire, j’ai pu approfondir cette question de la soumission mutuelle et de ce
qu’elle met en jeu pour la communauté. Toutes les Églises locales sont
multiculturelles, que ce soit parce que des migrants en font partie ou parce
que la mobilité fait aujourd’hui que même dans des petits villages, il y a les
« locaux » et les « nouveaux arrivants » et qu’il faut
faire communauté ensemble. Partout dans notre Eglise la dynamique de vie
communautaire est en jeu.
J’ai aussi pris conscience que nous avons avec la Cevaa une chance de rencontres et
d’enrichissement mutuel, un schéma de relations offert à notre Églises – et aux
autres Églises membres – qui n’est pas assez vécu, dont les membres de notre Église ne réalisent pas la richesse.
Propos recueillis par Claire Sixt Gateuille
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